Maison de redressement catholique: elle a subi l'enfer

Jugées comme des filles "à problèmes", elles ont été enfermées dans des maisons de redressement gérées par des religieuses "pour les protéger". Violences, travail forcé… Fabienne raconte les maltraitances qu'elles ont subies dans les établissements du Bon Pasteur.

“Tous ces foyers étaient surveillés par les réseaux de la prostitution”


“On faisait du ménage, beaucoup de ménage. On était souvent à genoux par terre, à nettoyer. Ça, c'était le lot quotidien. On n'avait pas du tout de scolarité, on travaillait. Les religieuses nous donnaient des tâches qu'elles vendaient à l'extérieur.” Voici ce que vivait quotidiennement Fabienne Bichet, alors qu’elle était une jeune fille, dans les établissements du Bon Pasteur. Des années 1950 à 1970, la justice ou les familles plaçaient les filles mineures jugées "à problèmes" dans ces structures. Mais là-bas, elles étaient constamment maltraitées. “C'étaient des maisons de redressement. C'était bien pour redresser les filles, les mauvaises filles. Que vous ne les connaissiez pas, c'est normal, parce que c'était quand même la honte de la société. Ce qui se passait à l'intérieur, tout le monde s'est bien gardé que ça se sache”, souffle Fabienne.
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Des séquelles à vie


“Toutes ces maisons de redressement étaient gérées par des congrégations religieuses, c'étaient des établissements privés et c'est l'État qui nous envoyait là-bas. On était envoyées là-bas par décision de justice, en tout cas pour moi. Pratiquement toutes, on avait vécu des situations d'inceste petites filles, donc, du point de vue de l'État, c'était pour nous protéger. Comme n'importe quel centre fermé, évidemment, à partir du moment où c'est entièrement clos, il y a des dérives. Et des dérives, il y en a eu beaucoup. La violence physique, la violence morale”, explique-t-elle.
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Dans Mauvaises filles, 5 femmes racontent les maltraitances subies dans des établissements du Bon Pasteur. En janvier 2021, deux ex-pensionnaires ont créé l’association Les Filles du Bon Pasteur afin d'obtenir réparation pour ces années d'enfermement. “Quand on n'a aucun diplôme, qu'on sort de là en sachant tout juste lire, écrire, compter, dans un pays où le diplôme est capital, ça n'aide pas à avoir une condition sociale élevée. Donc beaucoup ont, aujourd'hui, une retraite misérable, beaucoup ont vécu dans des conditions très modestes”, ajoute Fabienne Bichet.
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“Combien sont parties sur des bateaux à Tanger?”


“Tous ces foyers étaient surveillés par les réseaux de la prostitution, inévitablement, on était piégées et violentées, et personnellement, j'ai même été vendue, j'ai été vendue pour partir sur un bateau à Tanger. J'étais l'objet de la vente, j'ai vu les billets sur la table, je suis allée aux toilettes, il y avait une lucarne dans les toilettes et j'ai pu me sauver. Mais pour moi, qui ai pu me sauver, combien sont tombées dans le même piège que moi, combien ont été vendues, combien sont parties sur des bateaux à Tanger ?”, questionne-t-elle.
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Mais ce qui a pu sauver à la sortie de ces centres Fabienne Bichet, c’est de s’éduquer. “J'étais convaincue, quand j'étais beaucoup battue, (…) c'est parce qu'ils n'avaient pas les mots pour s'exprimer. J'ai toujours pensé que le pouvoir des mots était le premier pouvoir, devant tous les autres. Forte de ça, je me suis inscrite au CNED et j'ai pris les cours par correspondance de français, rédaction, dissertation, étude de texte, pour acquérir le vocabulaire, pour acquérir le verbe. C'est le verbe qui m'a sauvée, c'est le verbe qui m'a donné accès à une autre société, c'est le verbe qui m'a permis de franchir les échelons et de me construire.”
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