Comment Vestiville a tourné à la catastrophe

Un festival de hip-hop en Belgique qui tourne à la catastrophe, de mystérieux organisateurs et des investisseurs aux abonnés absents, Brut a mené l'enquête, Maskey raconte l'histoire.

Comment Vestiville a tourné à la catastrophe (avec Maskey)


Un festival de hip-hop en Belgique qui tourne à la catastrophe, de mystérieux organisateurs et des investisseurs aux abonnés absents, Brut a mené l'enquête, Maskey raconte l'histoire, c'est le Vestiville.


Vestiville, c’est le festival hip-hop qui a viré au scandale. Des villas de rêve, un line-up d’exception… Le festival belge ne s’est pas exactement passé comme prévu. « Un jour c’est juste apparu dans mon fil Facebook et à partir de ce moment-là tout le monde s’est mis à m’en parler » raconte Jules Thys, DJ Jewels, l’un des artistes programmés au Vestiville. L’idée du Vestiville était d’organiser un évènement musical en Belgique, un évènement urbain. Un peu comme Tomorrowland, mais avec du hip-hop. 
 
Deux vidéos ont été publiées sur Youtube par les organisateurs du Vestiville. Ils s’y présentaient et expliquaient quelle était leur idée. Le Vestiville allait avoir lieu à Krystal Park, le 28, 29 et 30 juin. Ravuth Ty, l’organisateur, se mettait en scène sur l’endroit du festival avec, notamment, le bourgmestre de Lommel. « Il avait vraiment envie de montrer que c’était quelque chose de vrai. Je pense que c’est quelqu’un qui a un très très bon réseau » estime Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ».
 
« À ce moment-là je me dis c’est cool, on tombe sur une communication qu’on n’a pas trop l’habitude d’avoir en Francophonie que ce soit France et Belgique » raconte Vinz, animateur à « NRJ Belgique ». Et la programmation du Vestiville se dévoile : Cardi B d’abord, puis « de plus en plus de gros noms » ajoute Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ». Les organisateurs du Vestiville poussent également les artistes à faire des vidéos promotionnelles pour confirmer leur présence sur le festival.
 
Le problème, c’est que cette affiche couterait plusieurs centaines de milliers d’euros au Vestiville et « on sait que c’est très difficile d’organiser un festival comme ça avec des noms aussi porteurs » estime Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ». Les organisateurs du Vestiville se sont rendus compte qu’il n’y avait pas assez tickets vendus et ont donc décidé d’augmenter la communication autour du festival. À Bruxelles, les affiches et panneaux annonçant le Vestiville parsèment la ville et la pub s’intensifie sur Instagram.


« Une de leurs erreurs ça a été de faire des tickets en réduction (…) ce n’est jamais un très bon signal » lance Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ». Marie Frankinet envoie alors un mail aux organisateurs pour en savoir un peu plus et ceux-ci lui assurent que le Vestiville est un vrai festival et que « tout allait bien se passer ».


Petit à petit, les rumeurs prennent de plus en plus d’ampleur : les artistes ne viendraient finalement pas, le Vestiville risquait d’être annulé… Des rumeurs sans fondement, mais qui accentuent les soupçons de ceux qui travaillent dans le milieu de la musique : « Comme on ne connaissait pas les organisateurs et que c’est milieu qui se connait relativement bien et que c’est un festival avec une très très grosse affiche, un très gros line-up. On était sceptique mais on se disait que ça allait le faire » précise Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ».
 
Les jours passent, les organisateurs continuent de communiquer sur l'évènement. Et le Jour J arrive, le 28 juin 2019. Le public commence à arriver aux alentours de 16 h 30 et récupèrent leur bracelet pour s’installer sur le camping. « On arrive aux backstages et là je ne vois pas de sécurité (…) Je vais voir un gars, que je connaissais qui me dit : “La sécurité, ils doivent arriver, on ne sait pas ils ne sont pas là” » raconte Vinz, animateur à « NRJ Belgique ». Vinz commence à se poser des questions : « Il y a des artistes de dingue qui vont arriver, des Maitre Gims, c’est pas logique ça ».
 
À 17 h, le festival devrait être ouvert, mais l’équipe du Vestiville est encore en train de préparer la scène principale. « N’importe quel festival il y a des dizaines et des dizaines de bénévoles qui aident à l’organisation. Là, il n’y avait vraiment personne. » se souvient Paul, un festivalier. Les festivaliers attendent et commencent à s’agacer, notamment sur les réseaux sociaux : « Ils étaient restés sous le cagnard pendant des heures et des heures, sans eau et les portes de l’évènement ne s’ouvraient pas » précise Marie Frankinet, journaliste pour l’hebdomadaire « Le Moustique ».
 
Puis les notifications commencent à tomber : « Asap Rocky a annulé », « Apparemment le festival vient juste d’être annulé. C’est fou. Les gens sont véners, le maire de Lommel a décidé de ne pas le laisser se dérouler », « Fuck Vestiville, Fuck Vestiville »… Toutes les installations étaient là, mais personne n’est venu clairement dire aux festivaliers que le Vestiville était annulé et personne ne comprend non plus cette décision. Les gens forcent les grilles et commencent à courir un peu partout, à monter sur les scènes. Près de 30 000€ de matériel a été dérobé, puisque les gardes de sécurité n’étaient pas là.


La sécurité finit par arriver, accompagnée de la Police et de chiens, demandant aux festivaliers de quitter les lieux du festival. C’est finalement le maire de la ville de Lommel, Bob Nijs, qui décide d’annuler le festival pour des raisons de sécurité. Parmi les organisateurs du Vestiville, le néerlandais Ravuth Ty, qui n’en est pas à son coup d’essai.


Ravuth Ty est connu aux Pays-Bas pour avoir organisé des festivals et des soirées depuis plus de 10 ans. « Il a toujours été une sorte de personnage mystérieux, les gens n’arrivent pas à le cerner, il n’est pas facile à avoir au téléphone par exemple » explique Atze de Vrieze, journaliste musical. La première édition du Vestival aux Pays-Bas, en 2014, avait « beaucoup de gros noms », « mais on sait maintenant que le premier Vestival a provoqué de grosses pertes financières et qu’il a eu quelques problèmes à payer les dettes de cette première édition » raconte Atze de Vrieze. La deuxième année où le Vestival a eu lieu, Ravuth Ty est allé dans une ville différente et l’a organisé avec une autre société.
 
Par ailleurs, pour l’édition 2019 du Vestiville, les investisseurs sont « un peu chelous » estime Maskey. L’affiche du Vestiville présentait 3 ou 4 partenaires, tels qu’une application de paiement cambodgienne qu’on ne peut pas utiliser en Belgique ou en France, ou une marque de maquillage qui n’est pas encore lancée… « On n’a aucune idée de qui étaient les investisseurs derrière ce festival. Des rumeurs courent qu’il y a un ou plusieurs investisseurs asiatiques mais je n’ai trouvé aucun moyen de le prouver ou de comprendre ce qu’il s’est passé en coulisses ici » précise Atze de Vrieze, journaliste musical.


Du côté des festivaliers, qui ont déboursé entre 80 et 400 € pour les billets d’entrée, « certains ont été remboursés mais c’est pas le cas pour tout le monde » ajoute Maskey. Certaines sociétés de ventes de tickets ont déclaré avoir payé les billets aux organisateurs avant le début du Vestiville. Ils attendaient donc que les organisateurs leur rendent les billets pour pouvoir rembourser les festivaliers.
 
Plusieurs plaintes ont été déposées par les fournisseurs liés à l’organisation du Vestiville. « Je pense qu’ils auraient aimé organiser le festival mais je pense qu’ils ont surestimé la chose et donc ils ont eu des ennuis » estime Jean Jonkers, directeur général du Sunpark Kempense Meren, prestataire du Vestiville.
 
Ravuth Ty, son acolyte britannique ainsi que sa sœur ont tous les trois ont été placés en garde à vue. Mais à ce jour les organisateurs ont tous été libérés. La police de Lommel en Belgique a précisé à Brut qu'une enquête était toujours en cours, ils ont aussi passé un appel à témoins pour que tous les fournisseurs qui n'ont pas été payés se manifestent.  


Le parquet de Limbourg en Belgique a également précisé à Brut que l'organisation du festival était poursuivie pour fraude, blanchiment d'argent et faux. « En tout cas ce qui est sur c’est que les grands perdants de cette histoire, c’est les fans de 2Pac » conclut Maskey.


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