C'est quoi la souveraineté alimentaire ?

Dans les années 1990, les altermondialistes en faisaient la promotion. Aujourd'hui, face à la crise, même des figures éloignées de ce mouvement la défendent.

C'est quoi, la souveraineté alimentaire ?


Ce concept a émergé dans les années 1980. Il désigne un droit qu’aurait chaque État de décider de ses propres politiques agricoles pour ses propres populations, sans affecter les autres États.


« La souveraineté alimentaire est un concept très large parce qu'il a été développé par des paysans, par la société civile et par des mouvements sociaux eux-mêmes. Ça va beaucoup plus loin que l'autosuffisance alimentaire, ça parle aussi de comment la nourriture est produite, de qui la produit », estime Geneviève Savigny, paysanne et membre du mouvement Via Campesina.


Dans les années 1990, ce concept gagne la scène internationale


Le concept de souveraineté alimentaire désigne un droit qu’aurait chaque État de décider de ses propres politiques agricoles pour ses propres populations, sans affecter les autres États. Il serait apparu au Mexique et en Amérique centrale dans les années 1980. « Des organisations paysannes locales étaient inquiètes de la disparition du soutien de l'État à l'agriculture et de l'accroissement des importations alimentaires depuis les États-Unis, qui pratiquaient le dumping des prix », explique Sofia Monsalve.


Dans les années 1990, ce concept gagne la scène internationale, sous l'impulsion du mouvement altermondialiste. « La souveraineté alimentaire a été portée par un mouvement social transnational qui s'appelle la Via Campesina, à partir de 1996, dans le cadre du Sommet mondial de l'alimentation à Rome », détaille Ève Fouilleux, directrice de recherche en science politique au CNRS.


« Le système alimentaire agro-industriel est basé sur des échanges à longue distance »


Au cours de la seconde moitié du XXème siècle, un modèle agricole plus productif et plus compétitif s’est développé, accompagné par l’intensification du libre-échange à l’échelle mondiale. « Ce système alimentaire agro-industriel est basé sur des échanges à longue distance, avec un éloignement très fort entre le consommateur final du produit et le producteur initial », développe Ève Fouilleux.


La chercheuse donne l'exemple de l'huile de palme : « Elle est produite en Asie du sud-est, en Malaisie, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où il donne lieu à des fronts pionniers de déforestation, qui déstabilisent les écosystèmes et qui. Cette huile de palme est importée en masse dans les pays industrialisés pour fabriquer des produits alimentaires. »


La crise de 2007-2008 a révélé la dépendance envers les marchés internationaux


Ce modèle est critiqué par les promoteurs de la souveraineté alimentaire. La crise alimentaire de 2007-2008 aurait mis en avant certaines de ses limites, notamment la dépendance envers les marchés internationaux. « L'exemple le plus évident, c'est la crise de 2007-2008. Il y a eu spéculation, rétention de stocks, aléas climatiques dans différentes parties du monde, flambée des prix des denrées alimentaires, en particuliers des céréales. Certaines populations n'étaient pas capables de produire leur nourriture », raconte la directrice de recherche au CNRS.


À l'opposé de ce modèle, les promoteurs de la souveraineté alimentaire défendent notamment une production plus proche des consommateurs et le soutien aux petits paysans. Certains États ont intégré la souveraineté alimentaire à leur Constitution, parmi lesquels le Népal en 2007, l'Équateur en 2008 et la Bolivie en 2009.


« La crise du Covid-19 nous montre ce qui se passe si la nourriture est dépendante d'une longue chaîne d'approvisionnement »


Mais cette vision ne fait pas l’unanimité : elle pourrait en effet entraîner une réduction de choix pour les consommateurs et se révéler insuffisante pour nourrir une population mondiale grandissante.


« La crise du Covid-19 nous montre ce qui se passe si la nourriture est dépendante d'une longue chaîne d'approvisionnement ou si la médecine est dépendante d'une longue chaîne d'approvisionnement alimentaire, et si ces chaînes sont perturbées », analyse Sofia Monsalve.


Même Macron évoque des idées qui se rattachent à la souveraineté alimentaire


Pendant l'épidémie de Covid-19 toutefois, plusieurs personnes, parfois éloignées de l'altermondialisme, ont promu la souveraineté alimentaire ou des idées s'y rattachant. C’est le cas d’Emmanuel Macron, qui a déclaré que cette pandémie avait révélé qu’il existait « des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ».


« Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie, au fond, à d'autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine », a assuré le président de la République.


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