Affaire Adama Traoré : 4 ans de bataille judiciaire

Arrêté au terme d'une course-poursuite et d'un plaquage ventral, Adama Traoré meurt deux heures plus tard, le 19 juillet 2016, dans les locaux de la gendarmerie. Depuis, les thèses des gendarmes et de la famille sur les causes de la mort s’opposent.

Affaire Adama Traoré : quatre ans de bataille judiciaire


Une nouvelle contre-expertise estime que le plaquage ventral des gendarmes est à l’origine de la mort du jeune homme. Brut revient sur quatre ans de bataille livrée par sa famille.


Ils étaient plus de 20.000 manifestants, le 2 juin, à se rassembler devant le tribunal de Paris pour protester contre les violences policières, à l’appel du Comité « La Vérité pour Adama ». Il y a presque quatre ans, le jeune homme, noir, est mort après un plaquage ventral effectué par la police. Depuis, les expertises et contre-expertises sur les causes de sa mort se sont multipliées.


2016


Adama Traoré, 24 ans, est arrêté par des gendarmes au terme d'une course-poursuite. Il meurt deux heures plus tard dans les locaux de la gendarmerie à Persan, dans le Val-d’Oise. « Les dernières paroles de mon frère ont été : "Je n'arrive plus à respirer, je n'arrive plus à respirer” », rappellera plus tard Assa Traoré, sa sœur, lors d’un rassemblement le 23 avril 2020.


Une première autopsie est pratiquée. « Des foyers infectieux situés sur plusieurs organes ont été relevés lors de l’autopsie. Par ailleurs, le légiste nous indique qu’il n’y a pas de lésions faisant penser à des violences », indique alors Yves Jannier, procureur de la République de Pontoise.


« On me dit au départ qu’il avait fait une crise d’épilepsie. Le lendemain, on me dit qu’il a fait une crise cardiaque. Aujourd’hui, on me dit que c’est une infection gravissime qui l’aurait tué. Demain ça va être quoi ? » s’interroge un autre sœur de la victime, Mama Traoré. Des heurts éclatent alors à Beaumont-sur-Oise, la commune où Adama Traoré habitait.


« Il y a trop de choses qui ont été dites depuis deux jours et demi, des inexactitudes, des mensonges. Il est inadmissible d'instrumentaliser la souffrance d'une famille. Mais la vraie question qu'il faut se poser, c'est pourquoi un jeune de 24 ans se retrouve aux mains des gendarmes et qu’il en sort décédé », déclare l’avocat de la famille d’Adama Traoré le 22 juillet.


Par la suite, une nouvelle autopsie réclamée par la famille contredit la thèse de l'infection comme cause du décès. « Plus on avance dans l'affaire d'Adama, plus les mensonges sont gros », réagit Assa Traoré. L’asphyxie, en revanche, figure dans les deux autopsies.


Aussi la famille Traoré porte-t-elle plainte contre les gendarmes impliqués dans l’arrestation. Selon elle, Adama Traoré est mort à la suite d’un plaquage ventral, une technique policière dangereuse. Les gendarmes, de leur côté, s’en défendent : « Nous avons employé la force strictement nécessaire pour le maîtriser, mais il a pris le poids de notre corps à tous lors de son interpellation », affirme l’un d’entre eux le 2 août.


2017


« Il s’agissait d’un individu qui a pris la fuite à trois reprises, qu’il fallait interpeller et qui a été interpellé dans les conditions normales d’interpellation », assure l’avocate des gendarmes le 5 juillet 2017. Pour sa part, Assa Traoré rappelle que « la juge avait tous les éléments. Il y a trois expertises qui sont sorties, trois expertises qui vont dire qu’Adama est bien mort asphyxié ».


Adama Traoré devient le symbole des violences policières en France, et sa sœur Assa Traoré une porte-parole pour les victimes de ces violences. « Ces jeunes sont déshumanisés. Ces jeunes ne sont même pas vus comme des personnes ayant des sentiments. Ce sont des jeunes qui ont un cœur, ce sont des jeunes qui savent penser, ce sont des jeunes qui ont le droit à la liberté de circuler. Ce ne sont pas des jeunes que l’on doit tabasser et humilier comme on le fait », déclare la militante.


Qui conclut : « Aux États-Unis, on parle de ségrégation raciale. En France la ségrégation raciale est remplacée par la ségrégation sociale. Aujourd’hui, les jeunes de quartiers subissent ça. À travers le combat d’Adama, c’est ce système, c’est ce que l’État a construit qu’il faut casser. »


2018


Le 21 juillet, la mère d’Adama Traoré prend la parole : « Je suis en colère. Ça fait deux ans que je ne peux pas faire mon deuil tant qu’il n’y aura pas la justice. Tant que les trois gendarmes ne seront pas mis en examen. Moi, je suis en colère. Ça ne peut pas cicatriser. Ça fait mal. »


2019


La bataille judiciaire et médico-légale se poursuit. « Les juges étaient prêtes à fermer le dossier Adama Traoré. Grâce à l'expertise que nous avons commandée, elles vont relancer l'enquête. Nous avons dû redoubler d’efforts. Si on avait fait confiance seulement aux juges, l’affaire de mon petit frère aurait été classée sur un non-lieu », résume Assa Traoré le 19 juillet.


2020


Le 20 mai, les résultats d’une nouvelle expertise excluent l’asphyxie due au plaquage ventral. Le jeune homme serait décédé d’un œdème cardiogénique. Les gendarmes ne sont donc pas reconnus responsables. « C'est une expertise qui protège clairement les gendarmes. C’est une expertise qui nous ramène à la pathologie cardiaque qui avait été écartée. Nous demandons la mise en examen des gendarmes », réagit de nouveau Assa Traoré.


Le 2 juin, une nouvelle contre-expertise demandée par la famille d'Adama Traoré estime que le plaquage ventral des gendarmes est à l’origine de la mort du jeune homme. Le même jour, plus de 20.000 manifestants se retrouvent devant le tribunal de police de Paris pour protester contre les violences policières, à l’appel du Comité « La Vérité pour Adama ».


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