Des joueurs français attaquent FUT en justice

Aujourd'hui, certains joueurs portent plainte contre le jeu d'Electronic Arts qu'ils accusent de fonctionner comme un jeu de hasard qui favorise l'addiction. Mamadou témoigne.

Risques d’addiction : des joueurs français attaquent en justice le mode Ultimate Team de FIFA


De plus en plus de joueurs dénoncent un système de « pay-to-win » qui consiste à dépenser toujours plus d’argent pour optimiser ses chances de gagner. Et les psychologues s’inquiètent.


Jouer avec des footballeurs de légende comme Lionel Messi, Cristiano Ronaldo et même Zinédine Zidane… C’est la promesse du mode de jeu en ligne FUT : FIFA Ultimate Team. Pourtant, de plus en plus de joueurs dénoncent un système de « pay-to-win » qui consiste à dépenser toujours plus d’argent pour optimiser ses chances de gagner.


« On a un casino à domicile, vous imaginez ? »


« Le but, c’est de construire une équipe de rêve. Mais l’équipe de rêve, c’est très difficile de l’avoir. En gros, t’es à la fois manager, joueur et président du club. C’est ça qui te donne l’envie de jouer à FUT Champions. Et pour avoir ces joueurs de rêve, il faut de l’argent », explique le joueur Mamadou Gandega.


Ces joueurs sont répartis dans des packs dont le contenu est aléatoire : des « loot boxes ». Une option dangereuse pour Mamadou Gandega : « On a un casino à domicile, vous imaginez ? C’est tellement simple de payer, on ne se rend même pas compte. En l’espace d’un petit clic, on dépense de l’argent sans s’en rendre compte. »


« J’ai packé près de 600 euros en même pas trois semaines »


Pour les obtenir, les joueurs peuvent utiliser des crédits virtuels gagnés en jouant, ou acheter des points FIFA. Mamadou Gandega est lui-même tombé dans l’engrenage. « Les points FIFA, tu peux en acheter autant que tu veux : tant que tu as de l’argent, que tu as ta carte bleue, c’est pas EA Sports qui va te dire d’arrêter. Au début, j’ai commencé avec 20 euros par semaine, je me disais que c’était rien. Puis 40 euros par semaine. Au fur et à mesure, je montais, je montais, je montais. Et malgré ça, j’arrivais même pas à avoir de bons joueurs. »


Le joueur poursuit : « J’ai packé près de 600 euros en septembre, en même pas trois semaines. On va dire trois à quatre semaines. Le joueur que j’ai packé, c’est Manolás. Mais c’est qui, Manolás ? Il fallait que je fasse des recherches pour savoir qui c’était. C’est là que je me suis dit : “C’est trop, c’est trop.” »


« Ma vie familiale, je la mettais un peu de côté tellement j’étais accro »


Certains joueurs considèrent que les loot boxes fonctionnent comme un jeu de hasard et d’argent et présentent des risques d’addiction. Mamadou Gandega prend l’exemple du joueur Rashford. « Je commence la saison, je te claque je ne sais combien de buts avec Rashford… Et trois semaines après, Rashford, je le reconnais plus. Il ne sait même plus faire une passe, il ne sait même plus frapper. »


Frustré, il paie de nouveau. « C’est de là que vient l’addiction. Ils te forcent à acheter. Il y a des moments, je ne m’en rendais pas compte. Je jouais, je me disais “j’ai mis de l’argent, faut que je rentabilise”. Ma vie familiale, je la mettais un peu de côté tellement j’étais accro. »


« Les loot boxes proposent toutes les mécaniques du jeu d'argent, sauf qu'il n'y a pas d’argent à gagner »


En 2019, l’éditeur de jeux vidéo Epic Games a supprimé les loot boxes des jeux Fortnite et Rocket League. « Nous ne devrions pas chercher à exploiter ou influencer le comportement des joueurs via la dépense d'argent. Les loot boxes proposent toutes les mécaniques du jeu d'argent, sauf qu'il n'y a pas d’argent à gagner à la fin et que ce qu'elles proposent n'a en définitive aucune valeur réelle », affirme Tim Sweeney, le PDG d’Epic Games.


Certains pays comme la Belgique et les Pays-Bas ont par ailleurs interdit les loot boxes dans le but de protéger les personnes vulnérables, notamment les plus jeunes. « C’est un contexte qui, en soi, est déjà à potentiel addictif. Ça ne veut pas du tout dire que tout le monde sera dépendant, mais qu’il y a un potentiel. Effectivement, le hasard joue un rôle, mais aussi, simplement, l’achat et l’obtention de quelque chose qui va déclencher une émotion forte », analyse Cora von Hammerstein, psychologue addictologue.


« Avec les addictions, il faut augmenter la dose pour avoir le même effet »


Cora von Hammerstein poursuit : « Honnêtement, je pense qu’il y a une grande partie d’excitation du moment. Potentiellement, il va y avoir un big win, je vais peut-être tomber exactement sur ce que je cherchais. Cet espoir, ce moment d’excitation, c’est déjà l’effet recherché par certaines personnes. On développe une tolérance. On a tendance, au bout d’un moment, à investir plus. Avec les addictions, il faut augmenter la dose pour avoir le même effet. »


De son côté, la firme de jeux vidéo EA (Electronic Arts) défend son mode de jeu. Dans un mail envoyé à Brut le 7 avril 2020, elle assure que « les packs rendent le mode dynamique et excitant, tout en offrant un jeu équilibré pour tous les joueurs. Il est important de noter que toutes les parties de FIFA Ultimate Team peuvent être jouées sans dépenser d'argent et que les achats sont entièrement facultatifs ».


Une quinzaine de plaintes déposées contre FUT en France


Chaque année, plus d’un million de copies du jeu FIFA sont vendues en France. En 2019, le mode Ultimate Team représentait 28 % du chiffre d’affaires de EA, soit 1,2 milliard d’euros. En février 2019, deux avocats ont lancé une procédure contre X auprès des procureurs de Bobigny et Créteil. En tout, une quinzaine de plaintes ont été déposées contre FUT en France. L’objectif : alerter sur les risques liés à ce mode de jeu.


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Brut.