Infirmières, caissières… Des métiers féminisés et sous-payés

Infirmières, aide-soignantes, caissières… Les métiers applaudis le soir à 20h sont exercés en majorité par des femmes, souvent mal payées. Pour l'économiste Séverine Lemière, il faut que ça change.

Revalorisons les métiers féminins sous-payés !


Infirmière, aide-soignante, caissière… Tous ces emplois sont occupés en majorité par des femmes, et sont largement sous-payés, selon l’économiste Séverine Lemière.


« Les infirmières, c’est 87 % de femmes. Les aides-soignantes, c’est plus de 90 % de femmes. Les agentes d’entretien, plus de 73% de femmes. Les caissières, plus de 76 % de femmes. Tout ça, ce sont des métiers très féminisés. Souvent, on oublie cette caractéristique des métiers que nous applaudissons tous les soirs à 20h », déplore l’économiste Séverine Lemière. Pour Brut, elle explique pourquoi et comment on peut lutter contre cette inégalité de traitement.


« Assimiler des compétences professionnelles à des qualités féminines participe à la sous-valorisation salariale »


Ce sont des activités comme soigner, assister, prendre soin, nettoyer, écouter, aider. Toutes ces activités sont identifiées comme des activités féminines, en lien avec ce que je dirais « la nature féminine », des qualités personnelles liées au fait d’être femme.


Cette façon d’assimiler des compétences professionnelles à des qualités féminines participe à la sous-valorisation salariale de ces métiers. Tout simplement parce qu’on ne reconnaît pas l’ensemble de ces activités comme des compétences professionnelles, comme des savoir-faire professionnels, comme des postures professionnelles, comme de la technicité.


« Ces métiers ont été parfois, historiquement, peu défendus »


Le fait d’assimiler ça à des qualités retire la valorisation professionnelle et salariale de ces métiers. C’est le fruit, souvent, de la construction sociale du métier, de l’histoire du métier. Il ne faut pas oublier que les infirmières, historiquement, viennent des nonnes dans les hospices. C’est donc de l’ordre de la vocation. La vocation, ce n’est pas pro, ça ne se paie pas.


Ce sont des métiers dans le prolongement de ce qu’on fait dans la famille. Tous les métiers de service à la personne, c’est comme ce qu’on ferait avec ses grands-parents, ses parents, ses enfants. Ça nuit à leur professionnalisation. Et ces métiers ont été parfois, historiquement, peu défendus ou pas assez bien défendus par les organisations syndicales, qui pouvaient être davantage focalisées sur des métiers plus industriels, plus masculinisés.


Les infirmières françaises touchent en moyenne 9 % de moins que le salaire moyen


Même s’il y a eu de nombreuses luttes de femmes, des travailleuses. On pense aux luttes des soignantes dans les Ehpad il y a quelques mois, dans les hôpitaux, ou les très belles luttes de femmes de ménage dans les hôtels. Ces luttes-là cherchent à faire reconnaître la compétence professionnelle de ces métiers. Néanmoins, elles ne sont pas suffisamment entendues par rapport à d’autres luttes dans des métiers plus masculinisés.


En France, les infirmières touchent en moyenne 9 % de moins que le salaire moyen français. Alors qu’en Allemagne, par exemple, les infirmières touchent en moyenne 10 % de plus que le salaire moyen allemand. En Espagne, elles touchent en moyenne 28 % de plus que le salaire moyen espagnol. Cette sous-valorisation des métiers féminisés participe aux inégalités de salaire entre femmes et hommes. En France, l’écart de salaire entre femmes et hommes est autour de 25 %.


« Il y a de la ségrégation professionnelle »


Depuis 1972, le principe d’égalité salariale dit : « À travail égal, salaire égal. » Mais il dit aussi : « Un salaire égal pour un travail à valeur égale. » C’est-à-dire que le législateur, depuis 1972, a bien conscience que les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes métiers, qu’il y a ce qu’on appelle de la ségrégation professionnelle, et que c’est très rare d’avoir la même situation. Donc le législateur dit qu’il faut l’égalité salariale, potentiellement pour des emplois différents, mais jugés de même valeur.


En 1983, la loi d’Yvette Roudy a précisé sur quels critères on évalue la valeur. Il faut notamment un niveau de connaissance comparable, de diplôme, de formation. Il faut également des capacités professionnelles comparables, donc des savoir-faire, de l'expérience professionnelle comparable. Il faut des niveaux de responsabilités comparables, et il faut une charge physique et nerveuse comparable. Si on compare tout ça, si l'emploi est jugé de même valeur, il faut le même salaire.


« On pourrait, par exemple, comparer des infirmières avec des techniciens »


On pourrait potentiellement comparer des emplois à prédominance féminine avec des emplois à prédominance masculine, voir s'ils sont de même valeur, et à ce moment-là, revendiquer l'égalité salariale. On pourrait, par exemple, comparer des infirmières avec des techniciens, des sages-femmes avec des ingénieurs informatique. Ce sont des niveaux de diplômes qui peuvent être comparés.


On peut regarder après dans les tâches et voir si on est sur des emplois à valeur égale. À l'étranger, par exemple en Suisse, il y a eu une mobilisation vraiment passionnante au moment de la renégociation de la grille des salaires dans le canton de Genève. Les infirmières du canton de Genève ont revendiqué une revalorisation du salaire en se comparant aux gendarmes du canton de Genève.


« Un exercice d'évaluation et de comparaison des emplois »


Les gendarmes étaient positionnés deux niveaux au-dessus d'elles dans la grille des salaires. A été fait un exercice d'évaluation et de comparaison des emplois : quel est le niveau de diplôme, quels sont les types de responsabilités, quelles sont les contraires physiques, quels sont les éléments de charge mentale, de pénibilité, de responsabilité. La lutte a duré plusieurs années. Et à la fin, elles ont obtenu gain de cause et ont été revalorisées au même niveau que les gendarmes.


C'est vraiment le travail qui doit être mené par les partenaires sociaux, les syndicats salariés, les syndicats employeurs, dans les entreprises, dans les branches, mais aussi par l'État sur les métiers de la fonction publique. Cet exercice d'évaluation non discriminante des emplois en intégrant tous les risques de biais et de revalorisation et de comparaison avec les métiers masculinisés, c'est vraiment l'enjeu. On en parle aujourd’hui, mais c'est dans le cadre légal depuis 1972.


Séverine Lemière est à l'origine d’une pétition adressée au ministre de l'Économie Bruno Le Maire pour revaloriser les métiers féminisés. Pour la signer, c’est par ici.>métiers très féminisés. Souvent, on oublie cette caractéristique des métiers que nous applaudissons tous les soirs à 20h », déplore l’économiste Séverine Lemière. Pour Brut, elle explique pourquoi et comment on peut lutter contre cette inégalité de traitement.


« Assimiler des compétences professionnelles à des qualités féminines participe à la sous-valorisation salariale »


Ce sont des activités comme soigner, assister, prendre soin, nettoyer, écouter, aider. Toutes ces activités sont identifiées comme des activités féminines, en lien avec ce que je dirais « la nature féminine », des qualités personnelles liées au fait d’être femme.


Cette façon d’assimiler des compétences professionnelles à des qualités féminines participe à la sous-valorisation salariale de ces métiers. Tout simplement parce qu’on ne reconnaît pas l’ensemble de ces activités comme des compétences professionnelles, comme des savoir-faire professionnels, comme des postures professionnelles, comme de la technicité.


« Ces métiers ont été parfois, historiquement, peu défendus »


Le fait d’assimiler ça à des qualités retire la valorisation professionnelle et salariale de ces métiers. C’est le fruit, souvent, de la construction sociale du métier, de l’histoire du métier. Il ne faut pas oublier que les infirmières, historiquement, viennent des nonnes dans les hospices. C’est donc de l’ordre de la vocation. La vocation, ce n’est pas pro, ça ne se paie pas.


Ce sont des métiers dans le prolongement de ce qu’on fait dans la famille. Tous les métiers de service à la personne, c’est comme ce qu’on ferait avec ses grands-parents, ses parents, ses enfants. Ça nuit à leur professionnalisation. Et ces métiers ont été parfois, historiquement, peu défendus ou pas assez bien défendus par les organisations syndicales, qui pouvaient être davantage focalisées sur des métiers plus industriels, plus masculinisés.


Les infirmières françaises touchent en moyenne 9 % de moins que le salaire moyen


Même s’il y a eu de nombreuses luttes de femmes, des travailleuses. On pense aux luttes des soignantes dans les Ehpad il y a quelques mois, dans les hôpitaux, ou les très belles luttes de femmes de ménage dans les hôtels. Ces luttes-là cherchent à faire reconnaître la compétence professionnelle de ces métiers. Néanmoins, elles ne sont pas suffisamment entendues par rapport à d’autres luttes dans des métiers plus masculinisés.


En France, les infirmières touchent en moyenne 9 % de moins que le salaire moyen français. Alors qu’en Allemagne, par exemple, les infirmières touchent en moyenne 10 % de plus que le salaire moyen allemand. En Espagne, elles touchent en moyenne 28 % de plus que le salaire moyen espagnol. Cette sous-valorisation des métiers féminisés participe aux inégalités de salaire entre femmes et hommes. En France, l’écart de salaire entre femmes et hommes est autour de 25 %.


« Il y a de la ségrégation professionnelle »


Depuis 1972, le principe d’égalité salariale dit : « À travail égal, salaire égal. » Mais il dit aussi : « Un salaire égal pour un travail à valeur égale. » C’est-à-dire que le législateur, depuis 1972, a bien conscience que les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes métiers, qu’il y a ce qu’on appelle de la ségrégation professionnelle, et que c’est très rare d’avoir la même situation. Donc le législateur dit qu’il faut l’égalité salariale, potentiellement pour des emplois différents, mais jugés de même valeur.


En 1983, la loi d’Yvette Roudy a précisé sur quels critères on évalue la valeur. Il faut notamment un niveau de connaissance comparable, de diplôme, de formation. Il faut également des capacités professionnelles comparables, donc des savoir-faire, de l'expérience professionnelle comparable. Il faut des niveaux de responsabilités comparables, et il faut une charge physique et nerveuse comparable. Si on compare tout ça, si l'emploi est jugé de même valeur, il faut le même salaire.


« On pourrait, par exemple, comparer des infirmières avec des techniciens »


On pourrait potentiellement comparer des emplois à prédominance féminine avec des emplois à prédominance masculine, voir s'ils sont de même valeur, et à ce moment-là, revendiquer l'égalité salariale. On pourrait, par exemple, comparer des infirmières avec des techniciens, des sages-femmes avec des ingénieurs informatique. Ce sont des niveaux de diplômes qui peuvent être comparés.


On peut regarder après dans les tâches et voir si on est sur des emplois à valeur égale. À l'étranger, par exemple en Suisse, il y a eu une mobilisation vraiment passionnante au moment de la renégociation de la grille des salaires dans le canton de Genève. Les infirmières du canton de Genève ont revendiqué une revalorisation du salaire en se comparant aux gendarmes du canton de Genève.


« Un exercice d'évaluation et de comparaison des emplois »


Les gendarmes étaient positionnés deux niveaux au-dessus d'elles dans la grille des salaires. A été fait un exercice d'évaluation et de comparaison des emplois : quel est le niveau de diplôme, quels sont les types de responsabilités, quelles sont les contraires physiques, quels sont les éléments de charge mentale, de pénibilité, de responsabilité. La lutte a duré plusieurs années. Et à la fin, elles ont obtenu gain de cause et ont été revalorisées au même niveau que les gendarmes.


C'est vraiment le travail qui doit être mené par les partenaires sociaux, les syndicats salariés, les syndicats employeurs, dans les entreprises, dans les branches, mais aussi par l'État sur les métiers de la fonction publique. Cet exercice d'évaluation non discriminante des emplois en intégrant tous les risques de biais et de revalorisation et de comparaison avec les métiers masculinisés, c'est vraiment l'enjeu. On en parle aujourd’hui, mais c'est dans le cadre légal depuis 1972.


Séverine Lemière est à l'origine d’une pétition adressée au ministre de l'Économie Bruno Le Maire pour revaloriser les métiers féminisés. Pour la signer, c’est par ici.(target="_blank")


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