Pourquoi la contraception définitive des femmes est si complexe ?

Se faire stériliser quand on est une jeune femme, c'est autorisé par la loi depuis 2001 mais c'est souvent un parcours semé d'embûches. Mais au fait, pourquoi ? Notre journaliste Laurène Gris a posé la question à la gynécologue-obstétricienne Ghada Hatem.

“Ça nous met dans une position un peu difficile, de censeurs”


En France, la contraception définitive est autorisée depuis 2001. La loi autorise toutes les femmes majeures qui en font la demande d’y parvenir, sur autorisation d’un professionnel de santé. Mais dans les faits, cela semble ne pas être pareil. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de jeunes femmes dénoncent le fait de ne pas pouvoir avoir recours à la stérilisation. Ghada Hatem est gynécologue-obstétricienne et elle a fondé la Maison des femmes de Saint-Denis. Elle explique à Brut pourquoi il y a un tel décalage entre les textes et leur application.
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“L'histoire de la stérilisation en France est compliquée. Avant la loi de 2001, ce n'était pas vraiment interdit, mais on nous menaçait de, par exemple, porter plainte pour mutilation. Dans ce contexte-là, déjà, beaucoup de médecins refusaient de le faire”, se rappelle-t-elle. Alors les médecins “s'érigeaient en décideur à la place de la femme”, en estimant en fonction de son âge et de son nombre d’enfants si elle pouvait y avoir recours ou non.
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Un acte irréversible


Aujourd’hui, la stérilisation contraceptive est “efficace à 99,99 %, au moins”, détaille Ghada Hatem. Elle est irréversible, ce qui pose problème à certains praticiens, qui ont le droit de refuser de réaliser cet acte médical, pour “la clause de conscience”. “On peut toujours réopérer une femme qui a subi une stérilisation, parce que certaines femmes le subissent sans le vouloir. Mais le résultat n'est pas de 100 %. Et on peut aussi faire une fécondation in vitro dans les suites d'une stérilisation, mais là encore, si l'idée, c'est de pouvoir quand même avoir des enfants, on peut se poser la question de l'intervention.”
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“Nous savons que les femmes peuvent changer d'avis. On se dit : ‘Bon, à 18 ans, la vie est longue, on peut changer 25 fois d'avis.’ Et ça nous met dans une position un peu difficile, de censeurs, de ‘j'autorise’, ‘je n'autorise pas’. Et en même temps, une femme de 18 ans doit pouvoir demander des choses qui concernent son corps. On ne peut pas à la fois militer pour que les femmes puissent avorter quand elles ont décidé d'avorter et avoir un discours et une attitude trop paternaliste dans les autres cas”, explique l’obstétricienne.
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“Elle va peut-être éviter 15 ans de contraception”


Pourtant, la situation est différente pour les hommes. “On va être moins précautionneux, pour la simple et bonne raison qu'on peut leur faire congeler du sperme avant. Donc on se dit qu'on n'a pas brûlé toutes nos cartouches, et s'il change d'avis, c'est facile. Alors qu'une femme, ça va être forcément une fécondation in vitro, et puis quelque part, on peut aussi se demander est-ce que, par exemple, la Sécu va payer une ligature, puis elle va payer des séances de fécondation in vitro, il faut aussi penser: ‘Est-ce que l'argent est bien dépensé?’”
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Malgré tout, cela pourrait aider les femmes à éviter de nombreux problèmes avec une contraception continue. “Mais on peut aussi raisonner autrement et se dire que cette femme, elle va peut-être éviter 15 ans de contraception, qu'elle ne va pas prendre d'hormones, qu'elle ne va pas avoir de stérilet qui, potentiellement, peut lui provoquer une infection ou je ne sais pas quoi, on peut raisonner comme ça.”
Brut a appelé le numéro vert du site IVG.net


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