Les chauffeurs routiers en première ligne face à l'épidémie de Covid-19

"On participe à un effort de guerre." Mickaël est chauffeur routier. Malgré l'épidémie de Covid-19, il continue de sillonner les routes pour approvisionner le pays. Il raconte.

Mickaël, chauffeur routier, au front face au Covid-19


Malgré l’épidémie, il continue de sillonner les routes pour approvisionner le pays. Il se repose peu, mange à peine et n’a presque pas d’équipement sanitaire.


« On participe à un effort de guerre pour que toute la population puisse continuer à vivre normalement. Même si ce n’est pas trop le cas ces derniers temps. Qu’ils puissent continuer à aller au supermarché, faire leurs courses, aller chercher du carburant. » Mickaël est chauffeur routier depuis 15 ans. Malgré l’épidémie de Covid-19, il continue de sillonner les routes pour approvisionner le pays.


Au-delà du risque de contamination, les chauffeurs routiers alertent sur la dégradation de leurs conditions de travail. L’État s’est engagé à garantir l’ouverture des stations-services, des aires de repos, des toilettes et des restaurants en vente à emporter. Mais certains sites demeurent fermés.


« La pénurie, elle que dans la tête des gens »


Plus les gens stockent, plus les centrales d’achat rachètent, mais en plus grande quantité. Imaginons que la centrale d’achat achète 10 tonnes de pâtes, les gens vont en vouloir pour 15, la centrale d’achat va en racheter 20, et ainsi de suite. Donc on doit en ramener encore plus. Il y a encore plus d’attente, et on est encore plus collés les uns aux autres. La pénurie, elle n’existe pas. Elle n’existe vraiment que dans la tête des gens. Par contre si nous, les chauffeurs, on arrête de travailler, là, ce sera la pénurie. Les magasins vont se vider. Terminé.


Je suis asthmatique. Je devrais rester chez moi, mais il faut bien travailler et nourrir sa famille. Je sais que c’est long de ne pas sortir, mais ce sera bénéfique pour tout le monde. Pour protéger les soignants, il faut penser aux chauffeurs qui livrent les soignants, justement. Si on ne nous donne pas de bonnes conditions de travail, on ne peut pas suivre.


« Tout le monde attend dans la même salle : on peut se retrouver à 20 chauffeurs »


On se retrouve sur des centrales d’achat qui doivent respecter un certain protocole avec le Covid-19. On ne peut pas rentrer à plusieurs camions comme on fait d’habitude, et tout le monde doit décharger. Tout le monde attend dans la même salle. On peut se retrouver à 20 chauffeurs, sans sanitaires, avec des chauffeurs qui n’ont pas pu se laver les mains, qui n’ont pas pu se laver tout court, qui peuvent avoir touché plein de choses infectées


Je récupère un camion différent tous les jours. Quand je change de camion, notre patron nous fournit seulement des lingettes. En tant que chauffeurs, on essaie de faire attention, mais ce n’est pas simple non plus. Là, par exemple, je viens de charger dans une ferme. J’ai juste une paire de gants simples de manutention, pour pouvoir toucher le transpalette électrique pour charger mon camion. Après, il y a un autre collègue qui va venir le prendre, qui va charger, mais la personne qui nous a mis la marchandise à disposition sur le quai, est-ce qu’elle avait des gants pour toucher ce transpalette, est-ce qu’elle était malade ?


Quand on sait que ce virus tient sur des matières longtemps, ça m’inquiète. Je ne suis pas médecin, je ne sais pas enlever des gants proprement, sans me souiller les mains. Là, je me touche le nez, je vais m’en mettre sur moi…


« Parfois, on ne peut pas se restaurer de la journée »


Quand les stations sont fermées, on ne peut pas se restaurer de la journée. Il y a des restaurants qui proposent des plats à emporter, mais il faut encore tomber dessus, être dans le secteur du restaurant qui propose les plateaux à emporter pour les chauffeurs ! Ça nous bloque pour nos pauses. Parce que quand ils ferment les stations-service, ils ferment aussi les parkings, donc on ne peut pas s’arrêter pour faire nos coupures. Nous, on doit faire une coupure toutes les 4h30 de conduite, ou toutes les 6h de travail. On ne peut pas forcément s’arrêter sur le bord de la route, on se retrouve souvent sur les voies rapides… C’est assez compliqué.


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Brut.