En apnée avec Arnaud Jerald

"Quand on vit une plongée au-delà de 120 mètres, on passe dans un autre monde, on va avoir des visions…" À 26 ans, Arnaud Jerald détient déjà 7 records du monde d'apnée. Et quand il descend dans les profondeurs, voici ce qu'il ressent.

“C'est en faisant de l'apnée que j'ai commencé à respirer”


“J'ai commencé à faire de l'apnée sans savoir nager”, se rappelle Arnaud Jerald, apnéiste. “Je suis tombé au bord de la piscine quand j'avais, peut-être, un an et la couche, en fait, s’est remplie d'eau. J'ai coulé tout au fond de la piscine et ma mère a vu ça, elle a de suite sauté dans l'eau, elle m'a sorti à la surface et donc ça a été ma première apnée à 2,50 mètres, ce qui est pas trop mal.” Le jeune marseillais de 26 ans, détient déjà 7 records du monde d’apnée. Les abysses aquatiques, il en a fait sa passion. Son dernier record, il l’a décroché ce 3 octobre 2022, dans une performance à 123 mètres de profondeur, en 3 minutes et 11 secondes.
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L’apnée comme échappatoire


Sa passion pour la plongée, il l’a trouvée très tôt. “À Marseille, c'était à l'âge de sept ans, avec mon père, on allait plonger tous les week-ends. À chaque fois que je me remets dans l'eau, en fait, je me sens comme un enfant parce que c'est énormément de souvenirs qui reviennent. C'est un peu la sensation que j'avais à sept ans. Je transformais cette peur des requins, la peur du bleu autour de moi en une forme de liberté, cette liberté d'être un peu comme le Petit Prince qui découvre différentes planètes.”
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“Vers l'adolescence, j'étais dans un moment où j'ai eu beaucoup de timidité, beaucoup de mal à nouer des relations autour de moi, avec mes amis. J'étais un peu dans une bulle étouffante. À l'âge de seize ans, je longe le filin jusqu'à 30 mètres et puis j'arrive en bas et je me sens bien. C'était un moment où j'ai pu enfin me regarder à travers mon regard et non à travers le regard des autres. C'est en faisant de l'apnée que j'ai commencé à respirer”, décrit l'apnéiste français. Lorsqu'il nage, Arnaud doit surtout se concentrer sur lui-même, au lieu de sa performance. “Je dirais que l'apnée, c'est 80 % dans le mental. À 120 mètres de profondeur, mon cœur bat entre quinze et vingt pulsations par minute. Mes poumons font la taille d'une orange. Plus on va descendre à ces profondeurs-là, plus on va aller toucher un peu la quintessence de soi-même.”
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L'ivresse des profondeurs


Au cœur des profondeurs, les apnéistes peuvent ressentir des choses uniques. “Vers 30-40 mètres, l'air qu'il y a dans mes poumons ne me fait plus flotter. Et là, en fait, j'ai juste à glisser, à voler. C'est la sensation de voler au ralenti. On se sent complètement libre, on a juste à se laisser aller vers les profondeurs. On a un phénomène qui est propre à l'apnée, qu'on ne pourra jamais ressentir nulle part ailleurs, ni dans l'espace, ni à 8000 mètres d'altitude. Ça s'appelle l'ivresse des profondeurs. Au niveau des sensations, on passe dans un autre monde, on va avoir des visions, on va avoir une musique. Ça peut être un rêve comme un cauchemar.”
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“Que ce soit sous l'eau ou à l'extérieur, dans les moments forts où on doit prendre des décisions rapides ou dans des moments un peu extrêmes, il faut se rappeler un bon souvenir, essayer d'aller chercher une sensation positive pour prendre la bonne décision. Par exemple, sur mon dernier record du monde, il y avait peut-être une équipe de dix personnes avec au moins soixante personnes autour. Il faut rester concentré et ne pas se laisser avoir par le stress. Et en fait, j'ai essayé d'aller chercher une madeleine de Proust. C'est les cigales, les cigales de Marseille. Et en fait, tous ces souvenirs revenaient à ce moment-là, dans un moment de stress total, et j'avais l'impression, juste, d'être à table avec ma famille en écoutant les cigales. Et en se sentant bien, avec une sensation de bien-être”, conclut le marseillais.
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