Pourquoi est-on si énervé contre les autres sur la route ?

À vélo, on déteste les voitures, et en voiture, on déteste les vélos. Mais pourquoi est-on si énervé contre les autres sur la route ?

Pourquoi est-on si énervé contre les autres sur la route ?


En voiture, à vélo ou à pied, nous avons une fâcheuse tendance à pester contre les autres. Des chercheurs nous expliquent pourquoi.


1 – Chaque usager défend son propre mode de transport


« Ce qu’il faut savoir, c’est que le réseau a tendance à fonctionner en termes de groupes. On ne s’en rend pas forcément compte. Moi par exemple, je suis au volant de ma voiture, et, sans forcément en avoir conscience, je vais me sentir un peu plus proche des automobilistes que si j’étais en trottinette, à pied ou à vélo », analyse Florent Varet, chercheur en psychologie sociale.


Selon lui, c’est ce mécanisme que qui entraîne les usagers de la route, même de manière temporaire, à être un peu plus tolérant envers les personnes ayant le mode de déplacement, et plus hostiles envers les autres. « Ça peut également expliquer des comportements d'agressivité. On va par exemple retrouver chez les automobilistes le stéréotype des cyclistes des bobos de gauche… »


Mais ces groupes ne sont pas figés, tempère le chercheur en psychologie sociale. « On peut avoir des communautés très fortes, des gens qui vont se définir comme motards, des gens très pro-voitures, qui se créent un univers. Mais on peut très bien être automobiliste le soir, à vélo l’après-midi et piéton en fin de journée. On endosse différents rôles sociaux, voire différentes identités, qui peuvent apparaître opposées ou en tension. »


D’où, parfois, une déshumanisation des usagers qui privilégient un autre moyen de transport. « En termes psychologiques, ça peut aussi se concrétiser par le fait de retirer le caractère humain des personnes qu’il y a sur la route. Si la personne devant nous nous agace et si elle est perçue comme n’étant pas un être humain, on va plus facilement exprimer cette colère envers elle, on aura moins de culpabilité à le faire », constate Florent Varet.


74 % des automobilistes reconnaissent se mettre en colère au volant une fois par mois, selon un sondage Atomik Research pour Autoescape. « On ne pourra jamais avoir un monde parfait où tout le monde s’entende parfaitement. Mais on peut tenter de réfléchir à des perspectives. Une première piste intéressante, ce serait de casser ce phénomène qui amène les gens à défendre le groupe auquel ils vont s’identifier en promouvant le fait qu’on partage sur la route une activité commune, une identité commune », espère le chercheur.


2 – Les aménagements ne favorisent pas toujours la paix


Longtemps dominée par la voiture, la chaussée n’est pas adaptée à la circulation simultanée. « Même si la voiture est en train de devenir de moins en moins importante dans les déplacements des grandes villes, elle occupe encore une large partie de l’espace. 50 % de l’espace public à Paris est occupé par la circulation et le stationnement automobile, alors qu’elle représente moins de 10 % des déplacements », indique Sébastien Marrec, chercheur en aménagement et urbanisme. À cause de ce déséquilibre, les conditions de sécurité d’une cohabitation sereine ne sont pas forcément réunies, d’après lui.


Par ailleurs, l’arrivée d’un nouveau mode de transport ou sa généralisation concurrencent les autres. « Des chaussées ou des trottoirs sont transformés pour établir des pistes cyclables. Ça peut être perçu comme un territoire retiré aux piétons et aux automobilistes et nourrir les tensions. Dans certains cas, on peut aussi avoir le sentiment, à tort ou à raison, que certains droits vont être octroyés à certains usagers au détriment d’autres », note Florent Varret. Pourtant, ces nouveaux aménagements sont nécessaires pour la sécurité de tous. En 2016, 95 % des cyclistes tués l’ont été sur la route, contre 2 % sur les pistes cyclables, d’après l’Onisr.


3 – Le véhicule change notre comportement


Aux États-Unis, on utilise l’expression « road rage », « rage au volant » en français. À l’abri dans son véhicule, un automobiliste s’énerve plus facilement. « Pour la grande majorité des 40 millions de conducteurs français, la voiture génère des attitudes qu’ils n’auraient pas dans d’autres domaines de leur vie. Ils peuvent être très prudents et au volant, se mettre à faire n’importe quoi. La voiture les change », assure Jean-Pascal Assailly, psychologue et expert au conseil national de la sécurité routière.


Pour un automobiliste, le véhicule est ainsi le prolongement de la sphère privée. « Avec la voiture de nos grands-parents, vous communiquiez avec le monde extérieur. Vous entendiez tous les bruits, toutes les sensations de vitesse. La façon dont sont faites les voitures aujourd’hui coupent toutes ces sensations du monde extérieur. C’est une seconde maison. On a de la musique, des écrans. Le problème, c’est que l’autre n’existe plus. Parfois, le conducteur va se permettre un degré d’incivilité ou de violence qu’il ne se permettrait jamais sur le trottoir », déplore le psychologue.


Sexisme, mépris social… la conduite exacerbe aussi les rapports de domination. Les conducteurs ayant des véhicules chers ont tendance à être plus désagréables, selon Atomik Research.


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