Hong Kong, la révolte continue

Brut a suivi la jeunesse hongkongaise qui se bat pour la démocratie. Immersion au cœur des manifestations avec Charles Villa.

Hong Kong : la révolte continue


À Hong Kong, la jeunesse se bat pour la démocratie. Immersion au cœur des manifestations avec Charles Villa, reporter à Brut.


« Notre gouvernement est en train de vendre les habitants d'Hong Kong à la Chine. Si on perd cette bataille, nous disparaîtrons pour toujours » alerte Petula Ho Sik Ying, professeure à l’Université de Hong Kong. Dans ce territoire semi-autonome de la Chine, des manifestations géantes se déroulent depuis le début du mois de juin. Des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue et des confrontations avec les forces de l’ordre ont régulièrement lieu. Les manifestants utilisent des lasers pour essayer d'aveugler la police et font face aux charges de la police. Nombre de manifestants sont arrêtés.


Les raisons de la colère


C’est en fait un projet de loi qui a mis le feu aux poudres. Ce texte visait à faciliter l'extradition de criminels vers la Chine continentale. Ce projet de loi a poussé les Hongkongais dans la rue. « Le système juridique entre la Chine et Hong Kong est différent. Ici, c'est la présomption d'innocence qui règne » précise Don, lycéen.


Face à la pression des manifestations, Carrie Lam, cheffe de l'exécutif de Hong Kong, a fait marche arrière début juillet. Sauf que le projet de loi a simplement été suspendu, pas complètement enterré. Tout l’été, les manifestants ont demandé l'annulation définitive de ce projet de loi, plus de démocratie à Hong Kong, la démission de la cheffe du gouvernement ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées.


Mais les manifestants n’ont finalement pas obtenu grand-chose. « Dans le désespoir et sans autre issue, on n'a pas le choix que d'utiliser différentes méthodes de désobéissance civile, en espérant que le gouvernement accepte finalement de dialoguer » déclare Kong, étudiant. Et si les manifestants ne lâchent rien, c'est parce que le temps joue contre eux : depuis 1997, Hong Kong est un territoire semi-autonome qui appartient à la Chine, mais possède ses propres lois. Mais ce statut particulier n’est pas éternel puisque dans 28 ans, en 2047, Hong Kong redeviendra une province chinoise comme les autres.


Génération « Hit and Run »


Parmi les manifestants, on trouve principalement des jeunes, tous très bien équipés : « Ils ont des protections comme des casques, lunettes, masques à gaz, ils ont aussi des gants pour ramasser les gaz lacrymogènes. Ils se mettent aussi du film plastique sur les bras et sur les jambes, quand ils sont en short, pour se protéger des gaz lacrymogènes qui peuvent être très irritants pour la peau » détaille Charles Villa, reporter à Brut.


La plupart des manifestations ont lieu devant des lieux symboliques ou des lieux de pouvoir, comme des commissariats de police ou des bâtiments administratifs du gouvernement. À force, les manifestants ont mis en place diverses stratégies. Ils utilisent par exemple des cônes de signalisation pour éteindre les gaz lacrymogènes.


À chaque fin de charge, la police arrive dans des endroits déserts : souvent, les manifestants se mettent à côté des stations de métro pour pouvoir partir très rapidement. La solidarité est très forte entre les manifestants : « Il y a en permanence des gens qui laissent de l'argent au-dessus des machines qui vendent les tickets de métro pour que tout le monde puisse s'acheter un ticket » illustre Charles Villa, reporter à Brut.


Les manifestants sont considérés par le gouvernement comme des émeutiers. S’ils sont arrêtés, « ils peuvent facilement être condamnés à 7, voire 10 ans de prison » précise Petula Ho Sik Ying, professeure à l’Université de Hong Kong. Pour éviter l’arrestation, ils pratiquent la stratégie « be water » qui consiste à se déplacer en permanence, à être comme de l'eau. Le but : ne jamais entrer en confrontation directe avec la police.


Hong Kong debout


« Si l'économie va mal, c'est la faute du gouvernement hongkongais, pas celle des manifestants. Il n'y a pas de casseurs sans tyrannie ! » Lance un passant aux abords d’une manifestation. Ce qui a beaucoup marqué Charles Villa, reporter à Brut, lors de ce reportage, c’est la solidarité entre les générations. Car il n’y a pas que les jeunes qui manifestent : il y a aussi des parents, avec leur bébé dans la poussette. « À tous ceux qui ne font que tenir une matraque nuit et jour, c’est moi qui l'ai payée votre matraque, mais pas pour que vous tabassiez mes enfants avec ! » dénonce l’un d’entre eux, révolté.


Hong Kong alerte le monde


À l'aéroport de Hong Kong, des milliers de manifestants ont fait un sit-in de plusieurs heures. Le message est évidemment symbolique : il vise à alerter le reste du monde sur ce qui se passe à Hong Kong, mais aussi à interpeller les touristes pour leur expliquer la situation. « Nous espérons que les autres pays comprennent que les Hongkongais ne sont pas là pour créer des problèmes et que nous voulons vraiment un meilleur avenir pour la société hongkongaise » témoigne Масу, une étudiante.


Mais il n'y a pas que les manifestants hongkongais qui s'adressent au reste du monde : le régime de Pékin aussi. Cet été, la Chine a diffusé un clip de propagande avec un message très clair : si les manifestations continuent, ils pourraient intervenir militairement. « On se bat pour la liberté, mais la police se bat contre nous. (…) J’espère que le monde pourra nous entendre et nous aidera quoi qu'il arrive. Parce qu'après deux mois de combats contre le gouvernement, on est vraiment désespérés » déclare une manifestante participant au sit-in.


Les manifestants ont aussi très peur de se faire arrêter et c’est pour ne pas être reconnus qu’ils portent des masques. « Les gens ont tellement peur que l'armée chinoise soit envoyée à Hong Kong… Il y a toujours cette peur que si on ne se comporte pas bien, on aura droit au “un pays, un système”, dès demain… » explique Petula Ho Sik Ying, professeure à l’Université de Hong Kong.


Cela fait maintenant des mois que les Hongkongais martèlent ces revendications pour plus de démocratie. Néanmoins, la communauté internationale reste très timide dans son soutien. « En 2019, il n’y a pas grand monde pour oser s'opposer au géant chinois » conclut Charles Villa, reporter à Brut.


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