À l'école, Tania de Montaigne sensibilise les jeunes au racisme

"Je demande toujours : 'Excusez-moi, qui est raciste dans la salle ?' Évidemment, personne ne lève la main. Sauf moi." En échangeant avec les jeunes, Tania de Montaigne démonte les clichés racistes. À sa façon. Elle raconte.

À l’école, Tania de Montaigne démonte les clichés racistes


La journaliste, autrice et comédienne se rend régulièrement dans les écoles, collèges et lycées pour discuter avec les élèves des racines du racisme.


Repérer les racistes, ça ne se fait pas en un coup d’œil rapide. Pour cela, entamer le dialogue est indispensable. C’est la mission que s’est fixée l’autrice et comédienne Tania de Montaigne, qui va à la rencontre des tout-petits, comme des lycéens, pour sensibiliser aux stéréotypes racistes.


« Il n’y a des gens qu’on pourrait repérer comme ça, qui seraient racistes. Ce serait facile ! On les prendrait tous et on les mettrait sur une île qui s’appellerait “Racistia“. Comme ça nous, on serait super tranquilles entre gens pas du tout racistes et ce serait fabuleux », s’amuse-t-elle.


« Ça ne vous viendrait à l’esprit de me dire que vous aimez la musique blanche »


Pour ce faire, la journaliste-autrice a une technique un peu particulière… « Je demande toujours : “Excusez-moi, qui est raciste dans la salle ? C’est juste pour savoir.“ Évidemment, personne ne lève la main. Sauf moi. Et j’essaie de faire en sorte que la question du jugement sorte de l’intervention. » Le but : montrer que personne n’est parfait. À partir de là, la comédienne note toutes les remarques qu’elle entend.


Les clés pour un dialogue constructif selon Tania de Montaigne : décortiquer des remarques du quotidien. Comme des préjugés culturels. « Si je demande ce que c’est la musique noire, si vous réfléchissez très peu, vous allez me dire : “Moi j’adore, et le reggae, je trouve ça génial, le jazz c’est vachement bien.’’ Et puis vous allez me sortir tout un tas de musiques. Mais ce qu’elles ont en commun, c’est un Noir. Donc en fait, qu’est-ce qu’il faut pour faire de la musique noire ? Il faut un Noir. Sauf que ça ne vous viendrait à l’esprit de me dire que vous aimez la musique blanche. »


« Notre quotidien est parsemé de racisme dans l’idée d’une spécialisation par couleur »


La question de la « musique noire » est très intéressante pour l’autrice. En effet, elle permet de faire comprendre, même aux plus jeunes, que certaines notions sont entièrement forgées par le racisme. « Notre quotidien est parsemé de racisme intégré, de racisme dans l’idée d’une spécialisation par couleur. Chaque chose qu’on peut prendre, on la décortique ensemble. La grande richesse, c’est d’admettre tout ce qu’on ne sait pas et savoir qu’on peut s’adosser à d’autres gens. Mon intelligence est dans les autres. »


Tania de Montaigne a particulièrement retenu plusieurs remarques lors d’échanges avec des jeunes, certaines très naïves. « Un lycéen, noir, m’a dit : “Je trouve que vous ne parlez pas trop comme une Noire.’’ Avant ça, avant qu’on démarre vraiment, une personne trop sympa est venue me voir en me disant qu’elle adorait les Noirs parce qu’ils ont des origines et que c’est vraiment super d’avoir des origines. Je lui ai demandé : “Parce que vous, vous n’en avez pas des origines ?“ Et elle m’a dit, en me montrant sa peau : “Bah non.“ »


Un effort à faire sur les programmes d’histoire et l’enseignement du droit


Au fil de ses interventions, l’autrice a réalisé que l’école pouvait en faire davantage pour sensibiliser les élèves au racisme. « Le travail sur les programmes d’histoire est fondamental. Chaque pays a son histoire. Il faut qu’elle soit dite, enseignée, il faut qu’elle soit recousue, parce qu’il y a des trous. Une autre chose qui me paraît importante, c’est le droit. Il arrive assez tard dans notre cursus. Or, sur la question du racisme, sur la question du harcèlement, il y a plein de choses qui existent dans l’appareil légal que nous ne connaissons pas. »


Le principal restant le dialogue. Car seule une conversation constante sur les questions de discrimination raciale peut changer les mentalités durablement, pour Tania de Montaigne. « On est dans le fantasme de l’autre, ce qui est le principe du racisme : on ne sait pas, alors on imagine. Tout est hiérarchisé dans notre pensée. Donc c’est ça, le travail : la déconstruction du racisme ou du sexisme passe par l’idée de retirer cette hiérarchie. C’est un travail de tous les jours, parce qu’il est humain. »


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