Le premier jour en France de Nekfar, jeune Tadjik

Alors que son père journaliste au Tadjikistan était menacé par le gouvernement, ce lycéen a dû fuir son pays avec sa famille. Le 4 février 2019, après être passé par de nombreux pays, Nekfar est arrivé à Bordeaux.

Le premier jour en France de Nekfar, tadjik


Nekfar Sufiev est un lycéen de 17 ans. Il est actuellement menacé d’expulsion avec sa famille. Il a déjà traversé cinq États.


« Je me sens comme une personne qui perd toutes les choses qu'elle avait, c'est comme quand… C'est comme si votre vie était détruite. La seule chose qui peut me calmer, c'est la musique. Je regarde ma famille et dans le visage de chacun, je vois la tristesse. » Nekfar Sufiev a 17 ans. Il est arrivé à Bordeaux le 4 février 2019. Après cinq mois à la rue, Nekfar et sa famille ont eu accès à un logement. Aujourd'hui, ils sont sous la menace d'une expulsion en Lettonie. Brut a rencontré l'adolescent, qui a raconté son premier jour en France.


Son arrivée à Bordeaux


Ma mère, elle pleure, ma soeur aussi, mon frère essaie de les calmer. On sait pas ce qu'on va faire, ce qu'on doit faire, mais on a déjà décidé qu'on devait aller dans le centre-ville. Peut-être que là-bas, on va trouver quelque chose pour nous et une place pour nous garder.


J'arrive à l'aéroport de Bordeaux le 4 février 2019, c'est la nuit. Avec ma famille, on est très déprimés. On vient de Lettonie. La musique que j'écoute, c'est une musique très triste. Ironiquement, dehors, il vient de pleuvoir et quand je regarde, les arbres n'ont pas de feuilles, c'est un paysage horrible, un paysage très triste.


On sort, il fait froid. On est perdus. On ne sait pas ce qu'on va faire. On a juste décidé qu'on doit marcher et ne pas s’arrêter, parce que si on s'arrête, les policiers peuvent nous demander : « Qu’est-ce que vous faites ? » Je marche, je regarde le visage de mes parents, et je comprends qu'ils ont peur.


On a décidé d'arrêter de marcher parce que mon père et ma mère ont compris que j'étais trop fatigué. Ils ont décidé que la meilleure solution, c'était de trouver une place où on pouvait se reposer. Je commençais à imaginer que c’était comme un pique-nique, pour oublier que je dormais dehors. On a décidé du pont sous lequel dormir.


Sa situation aujourd’hui


Dans ma vie, j'ai déjà quitté cinq pays : l’Iran, le Tadjikistan, la Russie, le Kirghizistan et la Lettonie… C'est à cause du travail de mon père. Il est journaliste, il a son média, et il a publié certains articles dans son journal que notre gouvernement n’accepte pas.


J'ai aucune envie de quitter la France. Je veux rester ici, je veux créer mon avenir ici. Je veux mieux apprendre le français pour écrire des poèmes en français. Apprendre le français, c'est vraiment important pour moi. Je sais que si je n'apprends pas, je ne pourrai pas devenir une personne ordinaire en France, je ne pourrai pas être un citoyen français.


L’Ofpra et la préfecture de Gironde ont décidé que moi et ma famille, nous sommes « en fuite ». Ça veut dire qu'on n'a pas même d'aide du gouvernement, qu'on n'a pas l'argent, qu’on n'a pas de logement. Il y a la possibilité que le préfet nous expulse en Lettonie, ou ailleurs. Mon rêve, c'est de publier mon livre, mon recueil de poèmes, si c'est possible.


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Brut.