Pour Mélissa Plaza, le football féminin n'existe pas

Interview de l'ex-footballeuse à 36 jours de la Coupe du monde

Le football féminin n'existe pas


Pour Mélissa Plaza, ancienne joueuse en équipe de France, ce terme sous-entend que le standard de ce sport reste celui des hommes, et que le foot féminin n’est qu'une sous-discipline.


« Le problème que j'ai avec le terme « foot féminin », c'est que ça sous-entend que le standard, la norme, ça reste les hommes, et que le foot féminin ne serait qu'une sous-discipline », déplore Mélissa Plaza, ancienne footballeuse professionnelle.


Titulaire d'un doctorat en psychologie du sport, elle a raccroché les crampons. Aujourd’hui, elle s'intéresse au genre et aux stéréotypes sexués dans le sport. Elle ne nie pas qu'il existe des différences biologiques entre les hommes et les femmes, mais elle constate que les footballeuses souffrent des stéréotypes. Brut l’a rencontrée.


« Presque partout, les femmes sont obligées d'avoir un double emploi »


Ce sont exactement les mêmes règles, la même taille de ballon, la même taille de buts. La même taille de terrain. Le même nombre de minutes jouées par match. Et surtout, la même passion. Et puis, ce qu'il faut savoir, c'est que toutes ces joueuses n'ont pas du tout les mêmes conditions que les hommes. Il y a certains clubs où les filles sont professionnelles, c'est-à-dire qu'elles vivent entièrement et exclusivement du football. Mais ça concerne trois ou quatre clubs du championnat de France de D1.


Partout ailleurs, les footballeuses sont obligées d'avoir un double emploi. Elles ne se nourrissent pas du tout comme elles devraient le faire en tant qu'athlètes de haut niveau. Surtout, comme dans beaucoup de disciplines, les femmes n'ont eu le droit de jouer au football que depuis les années 70. C'était hier. Nécessairement, on part avec quelques décennies de retard. Ça reste un vrai problème et c'est peut-être, probablement, ce qui explique, en majeure partie, les différences que vous avez l'impression d'observer à la télé.


« Putain, mais tu frappes comme un mec, en fait »


Il y a des constats objectifs qui ne peuvent pas souffrir de la contradiction. C'est-à-dire que quand vous observez une répartition totalement sexuée dans les différents sports avant l'âge de 12 ans, avant que les différences biologiques entre les filles et les garçons ne deviennent significatives, il y a d'autres facteurs qui jouent et qui ne sont pas d'ordre biologique, mais d'ordre psychologique et sociologique.


Il y a quelques semaines, après que j'ai marqué un superbe but, un copain m'a dit, avec toute l'admiration qu'il pouvait me démontrer dans cette phrase : « Putain, mais tu frappes comme un mec, en fait. » Je lui ai demandé : « Tu essaies de me dire que je joue bien au foot ? » « Oui, oui, c'est clair, tu joues comme un mec. »


« Il faut, comme toujours, prouver deux fois plus ! »


Souvent, quand je dis à des gars que je rencontre pour la première fois que j'ai été joueuse professionnelle en équipe de France, la première question qu'ils me posent, c'est : « Tu penses que tu peux me battre au jonglage si on va faire un soccer tout à l'heure ? » Alors que ces gars-là, ils ont joué peut-être au maximum au niveau régional !


Ça se termine toujours de la même façon, puisque je suis une femme de défi et que j'adore aller leur mettre une pilule et voir leur déconvenue au sortir du terrain. Et ça se finit toujours comme ça : « Je te donne rendez-vous tout à l'heure au Five, match à 19h. » À la fin, ils sont admiratifs, mais il faut, comme toujours, prouver deux fois plus !


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Brut.