Le coût de la vie en hausse au Liban, raconté par Aya

Crise au Liban 🇱🇧 : "Le peuple libanais est connu pour être résilient, mais je déteste ce mot, parce que personne n’est supposé supporter autant de mal dans sa vie." Face à la crise profonde que traverse le Liban, Aya raconte à Rémy Buisine le quotidien de nombreux libanais.

Le Liban en 2023, c’est quoi ?


Entre les mains, j'ai un million de livres libanaises. Tu te sens millionnaire, mais en fait, tu as moins de dix dollars.” À Beyrouth, au Liban, Brut a rencontré Aya Kazoun, habitante de Beyrouth qui raconte son quotidien face à la crise que traverse le pays. Pour donner un ordre d’idées, il y a quelques années, 100 000 de livres libanaises correspondaient à 66 dollars. Aujourd’hui, cela ne vaut pas plus d’un dollar. “C'est toujours un peu incompréhensible de réaliser que ça s'est tellement écroulé aussi rapidement. Donc on est obligé de se promener avec des sommes immenses de livres libanaises si jamais on a envie de payer en livres libanaises. La plupart des gens utilisent des dollars en fin de compte, puisque, quand on va au supermarché, les prix sont en dollars, c'est plus en livres libanaises, les gens parlent plus vraiment ou moins en dollars et donc, les tarifs sont plus ou moins en dollars.” 

Au Liban, les prix des produits de base explosent


Sept euros pour quatre yaourts, huit euros pour des pâtes, le Liban ne produit pas beaucoup, ce qui a une conséquence directe dans les prix. Ainsi, depuis les dernières années récentes, les familles libanaises ont beaucoup changé leurs modes de consommation, préférant les végétaux et les légumes à la viande. Mais la hausse des prix n'est pas le seuil d'impact de cette crise : “On ne peut pas avoir la machine à laver, la télé, le frigo en même temps, il faut choisir. Les plombs, ça saute peut-être trois fois par jour. J'ai un minimum de 16 heures d'électricité par jour, ça arrive jamais, 24 heures d'électricité, et je paye aux alentours de 220 dollars par mois.” Il n'est donc pas rare qu’Aya reste bloquée dans un ascenseur quand l’électricité se coupe, environ une fois par mois.

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“C’est juste fatigant”


Pour l’eau, les habitants doivent se l’acheter pour la stocker dans des citernes. “La plupart du temps, quand le gouvernement ne nous donne pas assez d'eau, on est obligés d'aller acheter de l'eau nous-mêmes, et c'est comme ça qu'on la garde, donc on achète des centaines de litres et on les stocke ici et c'est comme ça qu'on peut avoir de l'eau courante. Et en tout cas, ce n'est pas de l'eau potable. C’est pour nos douches, pour nettoyer la maison et tout ça, et pour l'eau potable, on va au supermarché, on achète des bouteilles d'eau mais on ne boit jamais l'eau du robinet.

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Pour elle, ce sont des systèmes mis en place pour lesquels les habitants ont pris l’habitude. “Le peuple libanais est connu pour être résilient, mais personnellement, je déteste ce mot pour le peuple libanais, parce qu'on n'est pas supposés être comme ça, on n'est pas supposés être résilients. Genre, personne n'est supposé supporter autant de mal dans sa vie.”


Du jour au lendemain, l’argent sur les comptes bancaires des habitants ne peut plus être retiré. “Bien sûr, les gens qui ont plein d'argent, ici, ils savaient que ça allait se passer. Tout le monde a retiré l'argent des banques, ils sont partis les mettre en Europe. Le reste du peuple, la classe moyenne, s’est fait voler complètement par les banques. L'argent qui avait été mis de côté par les parents, les grands-parents, tout ça, ben, les enfants, ils ne l'ont pas. Les gens n'ont pas accès à leur argent et on ne sait même pas quand ils vont y avoir accès.”

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En somme, pour Aya, le Liban en 2023, “c'est vraiment difficile, en fait, juste fatigant. C'est vraiment de la merde. Les gens autour de nous rendent ça un peu plus supportable. On ne peut rien faire. Donc il faut s'entraider, il faut essayer de trouver des petites façons de rester en vie, de pas vouloir se tirer une balle.” 

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