Pourquoi il faut faciliter l'accès à la langue des signes pour les sourds

C’est important d’interpréter en langue des signes les discours à la télé. Mais voilà pourquoi ce n’est pas suffisant...

La langue des signes française est encore trop difficile d’accès


Rencontre avec Marion Béguier, interprète professionnelle en langue des signes française, qui a notamment traduit un discours d’Emmanuel Macron en direct.


Marion Béguier exerce à Angers, où Emmanuel Macron est récemment venu faire un discours. À cette occasion, elle a interprété ses paroles en lange des signes française, en direct. Rencontre.


« Ne voyez pas les personnes sourdes comme des personnes handicapées »


J’ai appris la langue des signes dans un contexte familial d’abord. Ensuite, j’ai rencontré beaucoup de personnes sourdes. Ça m’a permis de progresser dans cette langue que j’aime beaucoup, et j’en ai fait mon métier. J’exerce maintenant depuis six ans.


Ne voyez pas les personnes sourdes comme des personnes handicapées. Dites-vous juste qu’elles ont une langue différente de la vôtre. Comme quand vous êtes en voyage et que vous souhaitez communiquer avec quelqu’un, essayez les mêmes techniques : mimez, sentez-vous libres de faire passer des idées d’une manière ou d’une autre. En général, la communication se passe bien.


« La seule différence qu’il y a entre eux et vous, c’est une langue qui n’est pas la même »


La principale erreur que commettent les entendants envers les Sourds – qui à mon avis n’est pas une erreur mais peut-être un réflexe – c’est de ne pas oser, de ne pas aller vers cette personne. Voir son « handicap » uniquement, alors que la seule différence qu’il y a entre vous, c’est une langue qui n’est pas la même. Elle va s’exprimer en langue des signes, vous à l’oral. Faites tomber cette barrière.


Et si je peux faire passer un message qui est celui de la communauté des Sourds : ne dites pas « sourd-muet » ou « malentendant », utilisez simplement le mot « sourd ». On parle de « culture sourde ». Les Sourds eux-mêmes revendiquent cette culture-là. Il y a un vrai sentiment d’appartenance pour eux, à leurs pairs. Il y a une histoire des sourds. Il y a une culture de l’humour des Sourds. D’ailleurs, pour le spécifier, les Sourds écrivent le mot « Sourds » avec un S majuscule.


« Il n’y a pas une seule manière d’interpréter un mot »


Interpréter, ce n’est pas redonner les mots qu’on entend les uns à la suite des autres, mais se saisir d’une idée, d’un concept, du sens du message pour redonner le même sens dans une autre langue. Lorsqu’on me demande : « Comment tu traduis ce mot-là ? », la réponse, c’est qu’il n’y a pas une manière d’interpréter un mot mais plusieurs, en fonction du contexte, du sens.


Il n’existe pas une seule langue des signes dans le monde. Chaque pays a la sienne. Si vous avez envie d’apprendre, vous pouvez certainement trouver un centre de formation pas loin de chez vous. Il y en a un peu partout. Bien sûr, la meilleure façon pour apprendre la langue des signes, c’est de fréquenter des personnes sourdes.


« Il y a encore trop peu d’accessibilité pour les personnes sourdes »


Aujourd’hui, en France, dans les médias, il y a encore trop peu d’accessibilité pour les personnes sourdes. On voit de plus en plus les interprètes en langue des signes, mais ce n’est pas suffisant. Il est important que l’interprète soit installé au côté de l’orateur, et pas dans un tout petit médaillon en bas de l’écran. On ne voit rien, et ça ne sert à rien. Il faut étendre l’accessibilité dans les médias, la télévision, dans le secteur judiciaire, médical, pour l’éducation des enfants sourds. Tous les champs de la vie sont importants et l’accessibilité doit être présente partout.


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Brut.