Ce que contient la réforme décriée de la PAC

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L'Union européenne a détaillé jeudi sa proposition de réforme de la future politique agricole commune de 2028 à 2034, qui suscite l'ire de la profession.
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Comme pour le reste du budget, deux ans de négociations tendues démarrent avec les États et le Parlement européen avant la finalisation du texte.

300 milliards "sécurisés"

L'Union européenne promet de "sécuriser" 300 milliards d'euros d'aides au revenu destinées aux agriculteurs dans le futur budget. 

Jusqu'ici, la Politique agricole commune (PAC) représentait 387 milliards sur sept ans, de 2021 à 2027, dont 270 milliards d'aides directes aux exploitations, et constituait le premier poste de dépenses de l'UE.

Les syndicats agricoles et des parlementaires européens fustigent donc une baisse de 20% de l'enveloppe globale, une "provocation" et un jour "noir" pour l'agriculture.

La Commission le conteste et présente les 300 milliards comme un "minimum", que les Etats pourront compléter avec d'autres fonds européens.

Car Bruxelles propose une vaste refonte de l'architecture budgétaire avec l'intégration de la PAC à un grand fonds de "partenariat régional et national" et le transfert de certaines sommes - soutien aux régions rurales défavorisées, innovation agricole - vers la politique de cohésion.

Les 300 milliards seront un socle avec une part supplémentaire flexible, soutient aussi un diplomate européen, anonymement, en réfutant la coupe budgétaire de 20%.

Sauf qu'il reviendrait aux gouvernements d'arbitrer si la somme supplémentaire revient aux agriculteurs ou si elle est fléchée vers d'autres priorités.

Réforme des aides à l'hectare

La Commission européenne veut en outre réformer les versements de la PAC afin de mieux cibler les agriculteurs qui en ont le plus besoin, comme le recommandait un rapport en septembre.

L'exécutif espère faire évoluer le mode de calcul actuel, qui repose en grande partie sur la taille des exploitations. 

La Commission propose de rendre les "aides à l'hectare" dégressives, avec un plafond maximum de 100.000 euros. Et insiste sur le soutien supplémentaire qu'elle voudrait apporter à l'installation de jeunes agriculteurs.

Les aides à l'hectare sont combattues depuis des années par les organisations environnementales, qui les considèrent comme un cadeau pour les "fermes-usines". 

Au Parlement européen, la gauche et les Verts poussent aussi pour un système de plafonnement.

Mais le sujet est un serpent de mer. Et une fonctionnaire européenne reconnaît qu'il sera difficile de faire aboutir cette réforme, en raison de l'opposition d'Etats membres et des plus grands exploitants.

Les principaux syndicats agricoles soulignent régulièrement que les aides à l'hectare offrent une prévisibilité aux agriculteurs, sur les montants fixes que la PAC peut leur garantir. 

Remplacement des congés

Sans rentrer dans les détails, la Commission pousse les Etats membres à financer, sur fonds européens, un service de "relève agricole" qui permettrait aux agriculteurs de se faire remplacer en cas de maladie, naissance, vacances ou formation.

Dans le sillage des concessions accordées aux agriculteurs pendant le mouvement de colère agricole de 2024, Bruxelles promet par ailleurs de simplifier le conditionnement de versements PAC au respect de règles environnementales.

Sans renoncer aux conditionnalités environnementales, une partie d'entre elles seraient transformées en incitations, afin de récompenser les comportements vertueux plutôt que de sanctionner, selon un diplomate européen.

La Commission explique tirer les leçons des manifestations d'il y a un an et demi.

Reste à savoir si la réforme budgétaire de la PAC ne va pas provoquer de nouvelles mobilisations, avec le débat autour des 300 milliards d'euros et de la "nationalisation" d'une partie des versements.

"Personne n'a intérêt à défier les agriculteurs européens. Si ce message n'a pas été entendu, nous reviendrons", a prévenu Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA - le premier syndicat agricole français - lors d'un rassemblement à Bruxelles mercredi.

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