Au troisième jour des débats devant la cour d'assises de Paris, une théorie s'est évaporée: "l'ensorcellement" de Dahbia Benkired, tel qu'elle l'avait elle-même formulé lors de l'instruction. À l'été 2022, une connaissance, Fatah A., lui aurait fait boire de "l'eau de mort" et aurait procédé à des cérémonies occultes "dans les cimetières".
"L'eau de mort"? Une bouteille bue trois mois avant le crime, dont l'accusée admet finalement qu'elle "ignore ce qu'il y avait à l'intérieur". Les visites de cimetières? "En fait, c'est sa maison qui ressemblait à un cimetière". Des rites sataniques dans des églises ? Une visite au Sacré-Cœur.
Il n'empêche: lorsque le président redemande à Dahbia Benkired si "c'est la relation avec Fatah qui a fait ce que vous avez commis" - violé, torturé et tué Lola dans l'appartement de sa sœur du XIXe arrondissement - elle persévère: "En tout cas, ça fait partie de ça".
"Du mal à lui, pas à elle"
Quelques heures plus tard, l'accusée avait déjà chargé son premier et peut-être seul grand amour, Mustapha M.
Comme elle l'avait déjà esquissé à l'ouverture des débats vendredi, Dahbia Benkired laisse entendre que son crime était une forme de dérivatif de la colère qu'elle éprouvait pour cet ex qui la malmenait, et qu'elle tient pour "responsable" de son geste.
Je voulais lui faire du mal à lui, pas à la petite Lola. J'ai projeté tout ça", développe-t-elle.
La veille, Dahbia Benkired avait déjà glacé la salle d'audience: "Je sais que j'ai tué un bébé, un ange. Au jour d'aujourd'hui, elle doit être au paradis".
Lundi, l'accusée avait d'ailleurs aussi mis en cause un autre ami, celui qui l'a hébergée quelques heures après le meurtre, chargée de la malle qui contenait le corps de la jeune adolescente - après enquête, la justice a estimé qu'il en ignorait son contenu.
Mais Dahbia Benkired prétend encore que c'est lui qui aurait pu être responsable des lésions génitales mises en évidence par les légistes, quand bien même celles-ci ont été commises ante mortem.
Lyrica et Ritrovil
Quid, encore, du Lyrica, cet anti-épileptique dont l'accusée assure depuis le début de son procès qu'elle en consomme depuis plusieurs années, et singulièrement la veille des faits ?
Mais elle n'en avait jusqu'alors jamais fait état, de même qu'aucun de ses intimes ne semble au courant de cette supposée consommation - son appétence au cannabis était en revanche connue de tous.
Mise en difficulté par une experte qui lui fait remarquer que le cachet ne correspondait pas à ce qu'elle décrivait, Dahbia Benkhireb dit avoir confondu avec le Ritrovil.
"Sauf que tous les taux" testés lors de son arrestation "étaient négatifs", a rappelé l'avocat général, rendant l'hypothèse du meurtre commis sous substance invraisemblable.
L'air concentré, sourcils froncés, regard impassible vers les témoins ou experts qui s'enchaînent à la barre, Dahbia Benkhireb donne parfois l'impression d'être dans une camisole, les bras croisés dans les manches de son sweat-shirt blanc.
Elle n'est pas la seule à dégager un sentiment d'insincérité. Fatah A. et Mustapha M. ont eux aussi laissé une impression déplorable à la cour.
Le premier, aujourd'hui 56 ans, la recueille chez lui en juillet 2022, "moyennant un coup de main pour du ménage ou du repassage", avant une relation plus intime qu'il jure "sans contrepartie, consentie", laissant entrevoir mariage et enfant à la jeune femme, 26 ans à l'époque.
Le second, dont Dahbia Benkired dit qu'elle l'aime toujours, regarde ses pieds lorsque le président lit des SMS qui laissent entendre qu'il la considérait comme un objet. Jusqu'à imaginer la prostituer, ce que l'enquête n'est pas parvenue à formellement établir?
À la barre, Mustapha M. a nié. "Quand j'avais une cagoule et de l'argent sur mon cul, il me prenait en photo pour faire quoi?", s'emporte-t-elle. Pour la première fois, elle a donné l'impression de dire la vérité.