Féminicide: la "jalousie maladive" d'un ex-policier jugé pour le meurtre de sa compagne

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Un ex-policier, Arnaud Bonnefoy, accusé d'avoir étranglé en 2022 sa compagne Amanda Glain qui venait de lui annoncer son intention de le quitter, a évoqué sa "jalousie maladive", sa "paranoïa", mardi au premier jour de son procès pour meurtre devant les assises de Paris.
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Arnaud Bonnefoy, 33 ans, qui s'était rendu après une ultime visite à son père dans le Var au terme de trois semaines de cavale, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu jeudi.

D'emblée, cet ancien gardien de la paix en poste au commissariat du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), reconnaît "tout à fait" le meurtre de sa compagne, âgée de 28 ans, au matin du 28 janvier 2022, dans l'appartement du nord-est parisien qu'il louait. 

Les policiers avaient retrouvé le corps recroquevillé d'Amanda Glain dans la salle de bain, vêtu d'un manteau noir et de ses chaussures, prête pour partir travailler. A leur arrivée, Arnaud Bonnefoy a pris la fuite.

Cette fois, au lendemain d'une énième dispute, Arnaud Bonnefoy "avait compris que sa compagne allait le quitter de manière définitive" après deux ans d'une relation émaillée de ruptures et empreinte d'angoisse pour la victime, selon le déroulé des faits lu à l'audience.

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"Paranoïa"

Peu expansif, "plutôt renfermé" de son propre aveu, parfois laconique dans ses réponses, Arnaud Bonnefoy se décrit comme "lunatique", d'"une jalousie maladive" qui confine à "une sorte de paranoïa", peut "prendre le dessus" et qu'il a "pu minimiser".

Est-elle pathologique cette jalousie?, lui demande le président Marc Sommerer. "Honnêtement oui". "Cette jalousie me contrôlait, contrôlait mes pensées". 

Évitant le regard de la mère d'Amanda Glain, qui l'a longuement fixé à son entrée dans le box, il raconte d'une voix teintée de son accent marseillais comment il scrutait les publications de ses compagnes sur les réseaux sociaux, "ce qui (déclenchait) une méfiance de (sa) part", "une spirale infernale".

Il y décelait "des petits détails qui pour (lui) avaient un certain sens" et excitaient sa "jalousie sur des éléments infondés", raconte Arnaud Bonnefoy, crâne rasé, allure athlétique dans sa chemise blanche.

Ce portrait correspond à celui dessiné par l'enquête sur ce pratiquant assidu de sports de combat et de musculation: celui d'un homme habité d'une "jalousie pathologique de nature à faire naître une haine homicidaire", selon l'expertise psychologique; un homme qui contrôlait le quotidien de sa compagne, surveillait son activité sur les réseaux, se mettait en colère quand sa compagne dialoguait avec d'autres hommes, lui adressait des reproches répétés, des insultes et des menaces suivies de réconciliations éphémères...

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"Adorable" et "souriante"

Deux anciennes compagnes, qui doivent témoigner, ont raconté aux enquêteurs une surveillance constante, comment il avait entrepris de les isoler de leurs cercles amicaux ou professionnels. Mais aussi la violence physique. En 2019, juste avant de faire la connaissance d'Amanda Glain sur les réseaux sociaux, il avait dû suivre un stage de sensibilisation aux violences conjugales.

Durant leurs deux années de relation, Amanda Glain avait reçu de nombreux messages de menaces, y compris de mort. Les réponses d'Amanda Glain témoignent d'une vie dans l'angoisse: "Tu me fais peur", "tu es un psychopathe". 

Arnaud Bonnefoy, enfant des quartiers nord de Marseille, reconnaît les faits mais regrette de n'avoir pas été aidé par sa hiérarchie, au fait de ses difficultés psychologiques selon lui. Sous le regard de son père, il raconte son acclimatation difficile à Paris, où il s'est installé après avoir réussi l'examen de gardien de la paix et avoir perdu sa mère d'un cancer en 2015. 

Relations difficiles avec ses colocataires policiers, difficultés financières, nombreux arrêts de travail, âpreté d'une vie de policier en Seine-Saint-Denis, suicide de deux collègues... Lui-même fera une tentative en 2016 lors d'une précédente rupture, geste qu'il décrira comme "un appel à l'aide". "Psychologiquement je n'étais pas prêt à être policier", reconnaît-il. 

Le meurtre d'Amanda Glain est l'un des premiers parmi les 118 féminicides conjugaux recensés par l'Intérieur en 2022. Selon des témoignages lus à l'audience, elle était une jeune femme "bienveillante", "sympathique", "très coquette". Le père de l'accusé, qui l'avait reçue dans le sud, l'a décrite aux enquêteurs comme "adorable", "souriante", "facile à vivre".  

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