Ancien militaire de carrière, Nicolas Frérot a côtoyé "Raph" durant plusieurs années sur la base aérienne 128 de Metz-Frescaty (nord-est), où le futur "JP" était affecté à l'entretien.
Né en 1979 dans un milieu modeste, celui-ci "est rentré un petit peu par hasard à l'armée", raconte M. Frérot.
"Il était appelé quand le service militaire a été supprimé, et quand l'armée lui a proposé de rester, il a sauté sur l'opportunité. Sauf qu'au bout de quelques années, il a été obligé de passer des tests. Mais il n'avait pas le niveau, et il a dû partir", dit-il au téléphone à l'AFP.
Nicolas Frérot se souvient de "quelqu'un de très gentil", "un bon gars", "le cœur sur la main" mais "pas très intelligent".
"C'était quelqu'un de crédule, vous auriez pu lui faire croire qu'un arbre était bleu. Il était très influençable". Déjà, il était "un peu harcelé". "Très maigre" et "fragile physiquement", certains l'appelaient "le cadavre".
Après l'armée, Raphaël Graven se fait embaucher "dans un abattoir à Metz, mais il s'est fait virer pour des questions d'hygiène".
"Pars de là"
Sur le groupe Facebook de la base aérienne 128 (fermée en 2012), où la mère de Jean Pormanove, Joëlle Graven Feknous, a annoncé son décès lundi, d'anciens compagnons d'armes se souviennent d'"un gentil gars". "Le cœur sur la main et toujours volontaire", dit l'un. "Une personne très agréable et simple", écrit un autre.
Raphaël Graven acquiert finalement la notoriété, d'abord dans le gaming, où ses accès de colère sur des jeux vidéo comme "Fortnite" ou "FIFA" lui valent ses premiers fans.
Sa vie bascule quand il rejoint deux influenceurs du sud de la France, NarutoVie et Sofiane Hamadi alias Safine, dont le collectif "Le Lokal" commence à diffuser, d'abord sur Youtube, puis Tiktok et enfin Kick, des vidéos de plus en plus dégradantes.
Quand Nicolas Frérot les découvre, il commence par laisser des commentaires. "Je lui disais : mais putain, Graven, pars de là, reste pas avec tes connards, quoi".
"Ils ont clairement profité de lui parce que c'était quelqu'un de crédule. C'était facile de le manipuler", accuse Nicolas Frérot. "La dernière fois que j'ai échangé avec lui c'était en janvier. Il m'avait dit 't'inquiète, tout va bien dans ma vie'".
Raphaël Graven est mort lundi lors d'un live sur la plateforme Kick, et doit être autopsié jeudi matin, a indiqué mercredi le parquet de Nice, qui a ouvert une enquête sur les causes de la mort.
A la plage
A Drap, dans le sud-est de la France, où NarutoVie, de son vrai nom Owen Cenazandotti, l'avait convaincu de venir habiter, il vivait "sa meilleure vie", a assuré à l'AFP sous couvert de l'anonymat un ami de NarutoVie.
"On allait manger avec lui, on faisait du bateau, on allait à la plage", ajoute-t-il.
Les violences et les humiliations ? "C'était comme du théâtre, juste pour buzzer. Jamais personne ne lui aurait fait de mal", selon un autre jeune du quartier.
Argument avancé par Raphaël Graven lui-même en janvier, lorsqu'il avait été entendu par la police niçoise dans une enquête ouverte notamment pour "violences volontaires sur personnes vulnérables", après un article de Mediapart sur ces vidéos, suivies par des milliers de personnes.
Dans le cadre de cette enquête, NarutoVie et Safine avaient été placés en garde à vue le 8 janvier 2025.
Mercredi, le parquet a indiqué que "plusieurs auditions de personnes présentes au moment du décès ont été faites sans qu'à ce stade elles permettent de donner une orientation quant aux causes de celui-ci".