Procès du meurtre de Lola: "On ne saura jamais complètement", constatent les avocates de la famille

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"Il y a des affaires plus que d'autres qui commandent de se réchauffer d'humanité": après cinq jours de procès et de confrontations à l'horreur du meurtre de Lola, 12 ans, les avocates de la famille en ont appelé jeudi au souvenir heureux de l'enfant, faute de réponse de l'accusée.
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Une semaine de débats, interrogatoires, auditions de témoins et d'experts devant la cour d'assises de Paris n'auront pas permis de désépaissir les mystères qui recouvrent ces quelque 97 minutes criminelles, l'après-midi du 14 octobre 2022.

Aux abords de son immeuble du XIXe arrondissement de Paris, dont ses parents sont les gardiens, Lola Daviet s'est faite accoster par Dahbia Benkired, qui l'a emmenée à l'évidence sous la contrainte dans l'appartement où elle vivait - en fait, celui de sa sœur -, l'a déshabillée, fait prendre une douche, violée, frappée, tuée.

"Aucune réponse"

"Une seule question reste en suspens et renferme en elle-même tout l'insoutenable: pourquoi?", interroge Me Karine Bourdié, l'une des deux avocates de la famille, et dont "le rôle est de leur dire: on ne saura jamais complètement".

"Je suis affligée de voir que, depuis le jour un de cette affaire, dans le box des accusés, rien n'a avancé. Je n'ai aucune réponse", a poursuivi l'avocate face à Dahbia Benkired, qui présente le même visage impassible depuis l'ouverture des débats vendredi dernier, à l'unisson de l'indigence de ses bribes d'explications.

Ensorcellement, projection de la haine qu'elle avait contre son ex, effets secondaires des médicaments, les mobiles avancés ont varié. "L'accusée a essayé de nous faire croire aux monstres plutôt qu'à elle. Mais les faits sont plus têtus qu'elle", a insisté jeudi après-midi l'autre défenseure de la famille Daviet, Me Clotilde Lepetit.

Dans deux plaidoyers qui ont ému la salle d'audience jusqu'au président de la cour d'assises, elles ont en outre convoqué la mémoire de l'autre victime de l'affaire, Johan Daviet, le père de la fillette qui avait succombé quelques mois après le drame, d'un chagrin noyé dans de vieux démons.

"Il n'a plus tenu sur ses jambes, qui ne tenaient plus sur son cœur, qui ne tenait plus sur autant de chagrin", a résumé Me Lepetit.

Et, à l'endroit de ces militants d'extrême droite qui, des premières heures de l'affaire jusqu'aux marches du palais de justice, mettent en exergue la situation irrégulière en France de l'accusée, l'avocate précise: ce sont bien les proches de Lola les "seuls gardiens de sa mémoire", elle qui était "trop jeune pour servir les débats haineux", alors que "ce qu'elle aimait, c'était manger des crêpes et faire de la gym".

Me Bourdié avait déjà prévenu: "Pas besoin d'être sans papier pour tuer".

Pas d'abolition du discernement

Pas besoin, non plus, d'être fou, avait en substance exposé jeudi matin l'une des trois experts psychiatres: "il existe des personnes qui n'ont pas de troubles mentaux" mais qui passent à l'acte "sans que ça relève du champ de la psychose, de la paranoïa, de la schizophrénie", quand bien même le crime "dépasse l'entendement".

Pas d'abolition ni même d'altération du discernement, avaient ainsi conclu les médecins, en confirmant que l'accusée pouvait être jugée - et condamnée. Dahbia Benkired, d'une "intelligence normale", ne souffre pas "de trouble psychique", ne présente aucune "pathologie psychiatrique", elle se montre "au contraire dans la domination et la maîtrise de l'instant". "Comme on en rencontre peu chez une femme", avait précisé l'experte.

Au cours des débats, le président de la cour d'assises a répété à plusieurs reprises la formule du magistrat Pierre Drai, qu'il tient comme commandement: "Juger, c'est aimer écouter, essayer de comprendre et vouloir décider". 

Devant les jurés, Me Lepetit s'est interrogée: "Vous l'avez bien écoutée, je ne sais pas si vous l'avez aimée".

Les réquisitions, les plaidoiries de la défense et le verdict sont attendus vendredi. Dahbia Benkired encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

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