Démission de Lecornu: le budget 2026 peut-il être adopté à temps ?

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Quand la France aura-t-elle un budget pour 2026 ? La démission lundi de Sébastien Lecornu compromet l'adoption d'un budget dans les temps, rendant plus probable le vote d'une loi spéciale pour permettre à l'Etat de fonctionner a minima.
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Le gouvernement avait jusqu'au 13 octobre pour soumettre au Parlement ses projets de budget de l'Etat (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS), ce dernier devant disposer de 70 jours pour en débattre avant publication des textes au Journal officiel le 31 décembre au plus tard.

Ce calendrier semble compromis par la démission surprise du Premier ministre.

"La possibilité de passer un budget avant le 31 décembre risque de s'avérer très faible", constate Mathieu Carpentier, professeur de droit public à l'Université Toulouse Capitole, interrogé par l'AFP: "la loi spéciale paraît de nouveau s'imposer".

Le Parlement avait dû voter une telle loi spéciale en décembre 2024 après la chute du gouvernement Barnier pour assurer le fonctionnement de l'Etat jusqu'à l'adoption d'un budget 2025 à la mi-février.

Pas de paralysie budgétaire

Cette loi gèle les dépenses de l'Etat, les limitant au strict nécessaire, mais pas celles de la Sécurité sociale, et l'autorise à percevoir les impôts existants mais pas à en créer de nouveau.

Il n'y a donc pas de de paralysie budgétaire à l'américaine ("shutdown") à craindre: les fonctionnaires sont payés, les retraites versées, les soins remboursés.

Toutefois, la loi spéciale ne permet pas d'indexer sur l'inflation le barème de l'impôt sur le revenu. Des dizaines de milliers de nouveaux ménages risquent donc d'être assujettis à l'impôt sur le revenu, et d'autres risquent d'en payer davantage.

Impact "modéré" sur l'économie

Le scénario d'une loi spéciale, avec un nouveau Premier ministre ou un gouvernement technique, "aurait un impact relativement modéré sur l'économie", estime Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade, auprès de l'AFP. Il pointe une incertitude un peu plus forte et un renchérissement du coût d'emprunt de la France.

Mais elle aurait aussi l'avantage de "réduire modérément le déficit public l'an prochain", développe l'économiste, plutôt que de le laisser filer.

Il chiffre de 15 à 20 milliards d'euros les économies possibles "grâce au gel des dépenses de l'Etat central" et par ricochet d'une partie "des dépenses des collectivités locales".

Après 5,4% du produit intérieur brut (PIB) attendus cette année, le déficit pourrait tendre vers 5% du PIB, alors que Sébastien Lecornu souhaitait le ramener à 4,7% du PIB en 2026, et à maximum 3% en 2029.

Nouvelles élections législatives

"C'est toujours problématique qu'on soit incapable de voter un budget. Mais pas forcément plus problématique qu'il y a trois semaines: on se doutait bien que cela serait très difficile", sur fond de crise politique chronique depuis la dissolution en juin 2024, souligne l'économiste Sylvain Bersinger, du cabinet Bersingéco.

Le tableau serait bien plus sombre si l'absence de budget s'accompagnait de nouvelles élections législatives, avec de nombreux risques: envolée des taux d'intérêt, suspension des investissements des entreprises, attentisme des ménages, notamment pour leurs achats immobiliers, dégradation d'une croissance déjà molle, et donc pression sur les recettes fiscales.

Dans ce scénario-là, "le déficit ne ferait que se stabiliser" autour de 5,5% dans le meilleur des cas, estime Maxime Darmet.

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