Sa campagne, puis sa victoire, ont eu un retentissement mondial. Jeune élu de 34 ans, né en Ouganda et d’origine indienne, Zohran Mamdani a remporté la mairie de New-York le 4 novembre dernier.
Cette nouvelle figure du parti Démocrate américain intéresse particulièrement la gauche française, à commencer par La France insoumise.
"Gauche de rupture"
“Sa campagne démontre que face à l’extrême droite, seule une gauche de rupture peut représenter une alternative qui mobilise les classes moyennes et populaires”, estime la députée LFI, Danièle Obono, à Brut. Cette dernière a même animé une soirée électorale consacrée au scrutin new-yorkais sur Twitch.
Quant à la coprésidente française du groupe La Gauche au Parlement européen, Manon Aubry, elle s'est rendue à New York la semaine dernière et a participé à un porte-à-porte, dans la dernière ligne droite de la campagne, aux côtés des militants de Zohran Mamdani.
A quelques mois des élections municipales de 2026, La France insoumise voit en ce jeune élu socialiste, ennemi de Donald Trump, un espoir et un exemple à suivre. Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon va même jusqu'à lister leurs points communs, comme sa sous-évaluation dans les sondages ou la “campagne de diffamation” dont il est victime pour son soutien à la cause palestinienne.
Les prises de position de Zohran Mamdani sur Israël (qualifié de "régime d'apartheid") et la guerre à Gaza (un "génocide"), lui valent l'hostilité d'une partie de la communauté juive. Les Insoumis sont également souvent accusés d'ambiguïté sur la question de l'antisémitisme et dénoncent en retour des attaques politiques et médiatiques visant, selon eux, à discréditer leur défense de la cause palestinienne.
“Son ascendance, sa religion, sa formation et son parcours politique lui valent déjà d’être presque aussi maltraité médiatiquement que moi”, conclut le leader insoumis.
La manière dont le candidat new-yorkais a fait campagne, avec un usage soutenu des réseaux sociaux et une forte mobilisation militante, ressemble également au modus operandi des troupes LFI. Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui l’homme politique français qui compte le plus d’abonnés sur TikTok - 2,7 millions, le même nombre que Zohran Mamdani.
Les écologistes parisiens regardent également de l'autre côté de l'Atlantique. Aïssa Ghalmi, membre du bureau exécutif du parti, estime auprès de Brut. que la victoire de Zohran Mamdani “ouvre une nouvelle page” en démontrant que la recherche de “centralité électorale” doit laisser place à un “projet de rupture”.
Coût de la vie
L’élu new-yorkais, qualifié de "communiste" par Donald Trump, a émergé grâce à un programme radical, à destination des classes populaires et des jeunes. Il a placé la question du coût de la vie au cœur de sa campagne, dans un contexte d'inflation persistante, prônant un meilleur encadrement des loyers, ainsi que des bus et des crèches gratuits.
Des mesures que l'on retrouve dans le programme de La France insoumise qui propose de "garantir la gratuité des crèches publiques", d'"encadrer les loyers partout sur le territoire et à la baisse dans les grandes villes" et de "rendre gratuits les transports en commun urbains dans les villes et les TER et cars régionaux pour les moins de 25 ans, les privés d’emploi et les usagers disposant de faibles revenus".
Mais Zohran mamdani a également dû lisser son discours pour rassurer les milieux d'affaires de la capitale économique et financière des Etats-Unis. Dès juillet, il a participé à deux réunions organisées par le Partenariat pour la ville de New York, un groupe de défense des intérêts économiques et financiers dont le conseil d'administration inclut le patron de la banque JPMorgan, Jamie Dimon. Il s’est aussi excusé pour avoir appelé à "couper les fonds" de la police qu'il jugeait "raciste".
Ville très libérale
Dans la course pour la mairie de New-York, le principal adversaire de Zohran Mamdani n'était autre qu'Andrew Cuomo, le candidat opposé lors de la primaire démocrate, qui avait décidé de concourir en candidat indépendant. De quoi conforter les Insoumis dans les parallèles qu'ils dressent avec le candidat new-yorkais, eux qui reprochent encore au reste de la gauche de ne pas avoir soutenu Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle de 2022. Et de quoi renforcer également leur volonté de ne pas participer à une primaire en 2027.
Pourtant, New York, où plus de 2 millions de personnes se sont déplacées pour voter - un record - peut difficilement servir d’exemple pour l’élection présidentielle, américaine comme française. Ville à la population diverse et très à gauche, elle n’est pas représentative de l’ensemble du pays.
"Bonne vieille démocrate"
D’autres scrutins, ayant eu lieu le même jour, ont d’ailleurs vu deux candidates, certes démocrates mais centristes, l’emporter.
Dans le New-jersey, les plus de 3,2 millions de personnes qui ont participé au scrutin, ont élu Mikie Sherill qui se qualifie elle-même de “bonne vieille démocrate à l'ancienne”. En Virginie - 3,3 millions de votants - la gagnante Abigail Spanberger s'est présentée comme une centriste et a un jour averti les démocrates de ne jamais utiliser le mot “socialisme”.
Si les démocrates américains souffrent d’une image de parti recroquevillé sur la défense d’une minorité, leurs récentes victoires montrent qu’ils peuvent mobiliser sur les questions économiques, comme l’ont fait Zohran Mamdani et Abigail Spanberger, tous deux dans un style et avec des moyens bien différents.
En France, les personnalités de gauche n’ont pas semblé tirer les mêmes conclusions du succès de l’élu new-yorkais. "Cette victoire porte en elle une leçon : seule la gauche de rupture peut battre l'extrême droite", a rapidement réagi sur X la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot dans une analogie manifeste avec la situation française et la perspective d'un deuxième tour face au RN en 2027.
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure a, lui, déclaré se sentir "parfaitement en phase" avec le programme de Zohran Mamdani et a fait valoir que ce dernier se revendiquait “comme socialiste, mais à la sauce américaine", ajoutant, "ce n'est pas un insoumis".
