C’est une idée instillée dans les esprits. Évoquée par certains responsables politiques, souhaitée par des électeurs, et questionnée par les médias.
L’union des droites est-elle en passe de devenir une réalité ?
Mardi 21 octobre, Laurent Wauquiez, le chef de file des députés LR a réitéré sa position : “je suis pour le rassemblement de la droite de Gérald Darmanin à Sarah Knafo”. Cette dernière est eurodéputée Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, classé à l'extrême droite.
Et Laurent Wauquiez n’est pas isolé. Eric Ciotti (UDR), Jordan Bardella (RN) ou même…Giorgia Meloni, la présidente du conseil italien, poussent pour un tel rapprochement.
Pour comprendre de quoi il est question, et si cela peut advenir, on a interrogé Baptiste Roger-Lacan, historien spécialiste des droites.
Que signifie le terme “union des droites” ?
“Sous la Ve République, c’est l’idée qu’il y aurait une réunion de l’ensemble des droites. L’union des droites est une question tactique depuis les années 70, au moins, car dans système uninominal à deux tours, l’extrême droite a des difficultés à arriver au pouvoir seule.
Cette idée est notamment mise en avant dans des groupes de réflexion qui veulent mettre en place une forme de porosité entre la droite et l’extrême droite.
Cela est-il déjà arrivé en France ?
Au début de la IIIe république, une coalition des droites, qui oscillait entre restauration monarchique, société chrétienne et conservatisme social, a tenté de défendre un programme appelé “l’ordre moral”. Mais les résultats des élections municipales ont confirmé que les Français devenaient, progressivement, des républicains. La coalition a fini par exploser.
Depuis la Seconde guerre mondiale et la collaboration du maréchal Pétain, et surtout depuis la guerre d’Algérie et l’Organisation de l'armée secrète (OAS, organisation terroriste clandestine d’extrême droite pour la défense de la présence française en Algérie, NDLR), il y a une digue entre la droite et l’extrême droite.
Toutefois, en 2012, la droite post-gaulliste commence à perdre en importance électorale.
Et l’arrivée d’Emmanuel Macron change la donne, car son parti attire des électeurs Républicains modérés, attachés à une ligne de séparation nette entre droite et extrême droite.
C’est à cette occasion que la réflexion sur l’union des droites a commencé à refaire surface car une partie de l’électorat resté chez LR est très conservatrice. Elle partage des idées avec le RN, comme l’hostilité envers l’immigration.
Cette union peut-elle advenir ?
Cela semble difficile. Au niveau idéologique, le Rassemblement national a une plateforme économique beaucoup moins libérale et austéritaire que Les Républicains.
De plus, à mesure que le poids de LR baisse électoralement, le risque de s’allier avec le RN, et donc de disparaître dans un mouvement structuré par l’extrême droite, augmente.
La patronne du RN, Marine Le Pen, n’est pas favorable à une telle union, sa stratégie étant plutôt d’attirer les électeurs directement. Et cela fonctionne, puisqu’elle s’est renforcée depuis 2017. Engager un processus d’alliance poserait également des questions en interne, car les cadres LR seraient vu comme une menace pour ceux du RN.
Pourtant, des voix discordantes se font entendre, et pas n’importe lesquelles. Jordan Bardella a estimé le 9 octobre qu’”il faut”, “pour gagner” de potentielles futures élections législatives anticipées, “l’alliance, la coalition, l’union la plus large possible”.
Il essaye de jouer sa propre partition. Même chose avec Eric Ciotti ou Eric Zemmour. Ils essayent de se distinguer du RN avec un discours libéral, voire libertarien, et ainsi aller chercher un électorat plus bourgeois.
Qu’en est-il de cette union dans les autres pays ?
L’union des droites est plutôt la norme ailleurs. C’est notamment le cas en Croatie ou en Italie. Ces coalitions finissent pas être transformées de l’intérieur par une tendance plus radicale, comme c'est le cas pour le Parti républicain aux Etats-Unis.
Mais la France est un cas singulier, s’allier au RN reste inacceptable pour beaucoup de responsables politiques.
