Le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé que le gouvernement soumettra en “novembre” au Parlement un amendement proposant la suspension de la réforme des retraites jusqu'à l'élection présidentielle de 2027.
Cette décision répond à une exigence du Parti socialiste qui en faisait la condition pour ne pas censurer le gouvernement.
De quoi parle-t-on ?
"La suspension de la réforme des retraites porte sur le relèvement de l’âge minimum de la retraite à taux plein et le relèvement accéléré de la durée d’assurance requise pour le taux plein (durée de cotisations, NDLR)”, explique Annie Jolivet, économiste du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).
La réforme des retraites, portée par Elisabeth Borne en 2023, avait déclenché un mouvement social d’ampleur. Les griefs des opposants portaient justement sur ces deux points : le report graduel de 62 à 64 ans de l’âge minimum de la retraite à taux plein et l'accélération de l'allongement de la durée de cotisation nécessaires pour partir à taux plein.
Quel impact sur l'âge de départ ?
D'après les explications fournies mardi soir par Bercy, le projet du gouvernement est de décaler dans le temps l'application de la réforme Borne.
Il suspendrait donc jusqu'à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans.
“Si elle est votée, une suspension de la réforme des retraites jusqu'au 1er janvier 2028 profitera déjà à la génération née en 1964", explique Annie Jolivet.
Ainsi, la génération née en 1964 gagnerait trois mois et partirait à 62 ans et 9 mois (comme la précédente) au lieu des 63 ans prévus par la réforme, soit à partir d'octobre 2026 au lieu de début 2027. La génération 1965 gagnerait six mois.
Les générations 1966, 1967 et 1968 pourront également partir plus tard, à condition que le report de l'âge minimum de départ à taux plein reprenne au même rythme en 2028.
Cinq générations de retraités, soit 3,5 millions de personnes, bénéficieraient ainsi à terme de ce report de la réforme, en gagnant un trimestre par rapport à la loi de 2023.
Sur la durée de cotisation ?
La réforme de 2023 accélérait l'application de la réforme Touraine de 2014, qui prévoit de passer de 42 à 43 années de cotisations nécessaires pour partir à taux plein. Aujourd'hui, la génération 1963 doit avoir cotisé 170 trimestres (42,5 ans).
Les textes actuels prévoient que la génération 1964 doive cotiser 171 trimestres. Avec une suspension de la réforme Borne telle qu'imaginée par l'exécutif, ces assurés partiraient finalement avec 170 trimestres.
Et après 2028 ?
Si aucune autre réforme n'est votée d'ici 2028 - avant ou après la présidentielle -, l'application de la réforme Borne reprendrait ensuite à partir de la génération 1965, avec un trimestre de décalage : celle-ci partirait à 63 ans à partir de janvier 2028, au lieu de 63 et 3 mois.
La première génération à devoir attendre 64 ans pour partir serait celle des assurés nés en 1969, qui partiraient à partir de 2033 (et non les assurés nés en 1968, partant à partir de 2032, comme prévu par la réforme Borne).
La génération 1965 devrait cotiser 171 trimestres, au lieu de 172. Le texte serait pleinement appliqué pour la génération 1966, qui devrait cumuler 172 trimestres, soit 43 ans.