“Caresse-toi pendant qu’on s’embrasse”, “j’ai envie de te dévorer le sexe”, “je vais jouir”... Ce genre de phrases prononcées dans des audios pornographiques est “beaucoup plus adapté à mes fantasmes” témoigne Claire, qui a commencé à consommer des podcasts X depuis qu’il est obligatoire de vérifier son âge sur les sites vidéo.
Histoire scénarisée ou simple son immersif d’un moment intime, les audios durent généralement une dizaine de minutes. Dans la plupart d’entre eux, l’auditeur est un personnage inclus dans l’histoire, interpellé à la deuxième personne, comme s’il était dans la pièce. Sans image, le contenu repose entièrement sur le son.
Marie s'est mise, elle, à écouter de l’audio “parce qu’en tant que femme, il y a moins de comparaison de son corps par rapport aux vidéos”. En audio, les corps peuvent être modelés par l’imagination de ceux qui l’écoutent, en fonction des fantasmes de chacun : “Je peux plus facilement imaginer des visages, des corps qui m'excitent, alors que quand on a une image visuelle, on fait avec”, raconte Claire.
Un concept tourné uniquement vers les femmes ?
Bien qu’aucune étude ne soit sortie sur le lien entre le genre et la consommation d’audio X, Lélé O, créatrice de Voxxx, un site de podcasts pornos, évalue le nombre d'abonnés a environ 65 % de femmes et 35 % d’hommes.
Femtasy, une autre plateforme de podcast porno, s’adresse quant à elle uniquement aux public féminin. Elle se décrit comme “pensée pour les envies et besoins des femmes”.
Comment expliquer un tel écart ? La sexologue Angéla Bonnaud trouve plusieurs raisons à cela : “Tout d’abord, le porno vidéo a toujours été fait pour les hommes.” Beaucoup en consomment dès le plus jeune âge, ce qui facilite l’addiction. “Ensuite, la plupart d’entre eux sont tellement habitués à l’excitation visuelle que c’est compliqué pour eux d’aller vers de l’auditif, parce que ça demande plus d’efforts.”
En effet, les vidéos pornographiques procurent des pics de dopamine auxquels le cerveau s’habitue. À long terme, cela peut créer des dysfonctionnements dans les rapports intimes avec un partenaire, comme l’incapacité à atteindre l’érection ou l’orgasme.
Pour Lélé O, le fait qu’il y ait un public plus féminin est dû “aux scènes choquantes avec des femmes, qui ne sont pas bien traitées dans les vidéos”. Selon elle, c'est justement la manière dont elles y sont représentées qui pousse beaucoup de personnes à se tourner vers le porno auditif.
“Je me suis tournée vers ça parce que c’est moins violent”, raconte Caro, avant d’ajouter : “C’est hyper inclusif. Il y a plein de scénarios différents et l’audio permet vraiment de se concentrer sur ses sensations c’est relaxant.”
“L'érotisme, ça paraît chiant”
Le mot pornographie pourrait paraître comme un abus de langage, mais Lélé O explique qu’elle “insiste pour qu’on s’appelle porno parce que je veux que des adolescents qui souhaitent se masturber puissent nous trouver en tapant porno, et qu’ils ne tombent pas uniquement sur des vidéos.”
Elle ajoute : “L'érotisme, ça paraît chiant, et puis nos audios sont crus. Ce qu’on fait, c’est vraiment du porno.”
“Faire des scènes BDSM à 9 heures du matin”
Orlo, comédien pour des podcast de Voxxx en plus d’être pianiste, nous raconte comment il a dû s’adapter à ce jeu de comédien : “Ça m’est déjà arrivé de faire des scènes BDSM à 9 heures du matin. Au début, c’est compliqué, mais la période d’adaptation est courte, notamment grâce à l’ambiance du studio d’enregistrement, qui est vraiment cool.”
Entre l’audio et la vidéo, il y a peu de similitudes pour les comédiens, si ce n’est “les orgasmes qui sont joués dans les deux cas”, explique Orlo. Mais les acteurs qui posent leur voix se dévoilent beaucoup moins.
Orlo ne se considère pas comme “travailleur du sexe”, et il précise que ça ne lui est jamais arrivé “de ressentir de l’excitation, c’est que du jeu d’acteur” pour lui.
Liza, l’ingénieure du son qui s’occupe du montage des podcast, raconte qu’elle doit parfois chercher des manières originales de faire les bruitages : “pour imiter le son de la mouille (la cyprine NDLR), j’ai trouvé une technique où je mets mes doigts dans une crème à l’aloe vera.”
L’imaginaire au centre du plaisir
Le porno auditif a aussi des bénéfices sur le plan médical. La sexologue Angéla Bonnaud en parle “à pratiquement tous les patients”. Cela peut “régler des problématiques d’éjaculation précoces, ou au contraire de non-éjaculation.”
En l’absence d’image, c’est l’imaginaire qui est sollicité, ce qui ralentit le rythme de l’excitation.
Charles-Henri, consommateur de podcasts X, raconte qu’il aime en écouter de temps en temps parce que “ça permet de se concentrer vraiment sur notre imagination et sur ce qu’on aime.”
Pour Lélé O, l’objectif était clair : “Quand j’ai créé Voxxx, l’idée était de sortir de la surconsommation d’images, d’arrêter de se brûler le cerveau avec des vidéos pornographiques.” Aujourd’hui, elle se dit satisfaite : “Des jeunes d’une vingtaine d’années m’écrivent pour me remercier. Certains me disent n’avoir jamais regardé de porno en vidéo grâce à cela.”








