TikTok : Amnesty International fustige “des contenus dangereux” pour la santé mentale des jeunes et annonce saisir l’Arcom

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La branche française de l’ONG Amnesty International publie ce mardi 21 octobre une enquête montrant les effets néfastes de Tiktok sur les adolescents. Elle annonce saisir l’Arcom.
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“Plongée dans l’algorithme de TikTok France”. L’ONG Amnesty International rend publique ce mardi 21 octobre une enquête qui s'intéresse au contenu français du réseau social qui compte 21,4 millions d’utilisateurs actifs dans le pays.

En novembre 2023, Amnesty International avait déjà publié un rapport montrant comment les enfants et les jeunes manifestant un intérêt pour la santé mentale pouvaient être facilement attirés dans une “spirale” de contenus dépressifs et suicidaires sur le fil “Pour toi” de TikTok. 

Plus de la moitié des jeunes exposés

Cette fois, Amnesty International France a collaboré avec l’Institut Harris, qui a réalisé fin 2024 un sondage auprès de 1 000 jeunes âgés de 13 à 25 ans. 

Les résultats sont troublants. Plus de la moitié des jeunes interrogés, en particulier les femmes âgées de 16 à 25 ans, déclarent être souvent exposés à des contenus dérangeants sur les réseaux sociaux, notamment des contenus montrant des corps idéalisés ou promouvant des troubles du comportement alimentaire. 

Et si une grande majorité des jeunes interrogés (69 %) ont déjà cherché à ne plus être exposés à des contenus toxiques, seulement un sur cinq déclare y être parvenu. 

"Rabbit hole"

L’ONG a également créé des faux comptes d’adolescents de 13 ans sur TikTok en France, pour analyser l’effet de “spirale” ou “rabbit hole”. 

Ce terme caractérise l’expérience d’un utilisateur qui suit, d’abord par curiosité, ce qu’on lui propose, mais se retrouve enfermé dans les recommandations de l’algorithme.

Rapidement, les faux utilisateurs ont tous été exposés à des contenus sur le suicide.

“En 40 minutes seulement, mon fil était envahi de contenu mélancoliques composés de paysages sombres et musiques tristes. Ça m’a très vite entraînée dans une spirale infernale de contenus dépressifs ou suicidaires", explique Justine Payoux, chargée de campagne chez Amnesty International France. "Pendant la troisième heure, je passais d’une vidéo faite par IA avec le cri d’une femme en détresse à la vidéo d’un ado en pleurs affirmant vouloir mettre fin à ses jours, à des vidéos faisant parfois allusion à des méthodes de suicide”,

Un phénomène renforcé par l'utilisation des données personnes qui nourrissent l’algorithme, explique Amnesty.

"Automutilation, suicide"

L'ONG alerte sur des contenus "dangereux pouvant aller jusqu’à encourager l’automutilation ou le suicide”, qui inonde les écrans "des ados vulénrables", mis en avant par TikToK.

L’enquête révèle également des témoignages de membres du collectif Algos Victima, créé en 2024 pour soutenir 'les mineurs et leurs familles victimes de préjudices liés aux réseaux sociaux" dans leurs démarches judiciaires.

Après le suicide de deux adolescentes en novembre 2024, sept familles françaises réunies au sein de ce collectif, avaient assigné TikTok en justice, l'accusant d’être en partie responsable, par son contenu, de la dégradation de la santé mentale et physique de ces jeunes. Aujourd’hui, ces familles sont au nombre de 11, précise Amnesty.

Marie, l'une de ces victimes, s'est suicidée à 15 ans. En recherchant des informations sur la perte de poids et le harcèlement dont elle était victime au lycée, ele avait sombré "dans une spirale infernale" : des vidéos prônant le suicide et des "tutos pour s’automutiler", raconte sa mère à Amnesty.

Réglementation européenne

En France, TikTok est censée se conformer à la réglementation européenne du Digital Services Act (DSA), explique l'ONG.

Cette loi européenne sur les services numériques impose aux plateformes de protéger les mineurs et d’identifier et d’atténuer les risques systémiques. Depuis février 2024, une enquête de la Commission européenne a été ouverte pour déterminer si TikTok  manque à ses obligations. 

Recours auprès de l'Arcom

Au vu des résultats de son enquête, Amnesty International France annonce déposer un recours contre TikTok pour non-respect du DSA auprès de l'Arcom, qui est chargée de garantir le respect des obligations légales et réglementaires dans les secteurs audiovisuel et numérique.

Par ailleurs, Amnesty International indique avoir écrit à TikTok en mars 2025 pour lui demander quelles mesures elle avait mises en place depuis la publication du rapport Poussé·e·s vers les ténèbres fin 2023.

En réponse, TikTok s’est contentée d’énumérer des mesures de "bien-être", affirme l'ONG, et "n’a pas reconnu le problème de l’effet de 'spirale' posé par l’application."

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