Hong Kong : l'ex-magnat prodémocratie Jimmy Lai reconnu coupable d'atteinte à la sécurité nationale

Anthony Kwan / Getty Images
Le cas de Jimmy Lai, emprisonné depuis 2020, est considéré par les défenseurs des droits comme emblématique de l'érosion des libertés politiques à Hong Kong depuis la mise en place par Pékin de la loi sur la sécurité nationale.
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L'ex-magnat des médias prodémocratie de Hong Kong, Jimmy Lai, a été reconnu coupable lundi de trois chefs d'accusation liés à la sécurité nationale, une décision qui selon des groupes de défense des droits humains sonne le glas de la liberté de la presse dans ce territoire rétrocédé à la Chine en 1997.

M. Lai a été reconnu coupable d'un chef d'accusation de sédition, et de deux chefs d'accusation de collusion avec l'étranger. Ces deux derniers chefs se basent sur la loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin après les manifestations prodémocratie, parfois violentes, qui ont secoué Hong Kong en 2019.

Agé de 78 ans, le fondateur du journal prodémocratie Apple Daily - aujourd'hui interdit - est emprisonné depuis 2020, maintenu à l'isolement, "à sa demande" selon les autorités.

Pour le parquet, M. Lai était le cerveau derrière deux complots demandant à des pays étrangers d'imposer des "sanctions ou un blocus" ou de mener des "activités hostiles" contre Hong Kong ou la Chine. L'ex-magnat est aussi accusé d'avoir publié des contenus qui "incitaient à la désaffection" envers le gouvernement.

Jimmy Lai avait plaidé non coupable et encourt une peine de prison allant jusqu'à la perpétuité. Les peines seront prononcées à une date ultérieure, et il pourra faire appel.

"Il ne fait aucun doute que [M. Lai] a nourri sa rancœur et sa haine envers la RPC pendant une grande partie de sa vie d'adulte et cela apparaît dans ses articles", a déclaré la juge Esther Toh à la cour, utilisant l'acronyme désignant la République populaire de Chine.

"Il est également clair pour nous que le premier accusé, bien avant l'adoption de la loi sur la sécurité nationale, réfléchissait à la manière dont les Etats-Unis pourraient faire pression sur la RPC", a-t-elle ajouté.

"Raisons politiques"

Après le verdict, le Royaume-Uni a condamné des "poursuites judiciaires motivées par des raisons politiques", appelant à la libération de Jimmy Lai, qui dispose d'un passeport britannique.

Son fils, Sebastien Lai, a appelé le gouvernement britannique à "joindre les actes à la parole" pour obtenir sa sortie de prison.

De son côté, Pékin "soutient fermement" Hong Kong dans "la défense de la sécurité nationale conformément à la loi et dans la répression des actes criminels qui mettent en danger la sécurité nationale", a défendu le ministère chinois des Affaires étrangères.

Jimmy Lai a salué les personnes venues le soutenir, notamment sa femme Teresa et son fils Lai Shun-yan, d'un sourire et d'un hochement de tête, selon un journaliste de l'AFP présent dans la salle.

Des représentants consulaires des Etats-Unis, de l'Union européenne et de la France ont assisté au verdict. Des vétérans du camp pro-démocratie de Hong Kong parmi lesquels le cardinal Joseph Zen et l'ancienne députée Emily Lau ont aussi pris place dans le public.

Le cas de Jimmy Lai est considéré par l'Union européenne et les défenseurs des droits comme emblématique de l'érosion des libertés politiques à Hong Kong depuis la mise en place par Pékin de la loi sur la sécurité nationale.

"Glas de la liberté de la presse"

"La prévisibilité du verdict rendu aujourd'hui ne le rend pas moins consternant: la condamnation de Jimmy Lai sonne comme le glas de la liberté de la presse à Hong Kong", a dénoncé l'ONG Amnesty International.

Reporters sans frontières (RSF) a condamné une "condamnation illégale" tandis que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) l'a qualifiée de "condamnation parodique".

L'Association des journalistes de Hong Kong décrit de son côté un climat médiatique d'autocensure et de peur "au point que même les détenteurs du pouvoir ne peuvent plus analyser avec précision l'état de l'opinion publique à travers les informations".

En plus des accusations de collusion, M. Lai est poursuivi pour 161 "publications séditieuses", parmi lesquelles des éditoriaux signés de son nom.

Au cours de son procès, ouvert en 2023, M. Lai a nié avoir prôné le séparatisme, la résistance violente et avoir appelé à des sanctions occidentales.

Pour Eric Lai, chercheur au Centre de droit asiatique de l'université Georgetown, le verdict "confirme les inquiétudes quant à un procès équitable", car "la plupart des actes de Jimmy Lai liés à des forces étrangères ont été commis avant l'entrée en vigueur de [la loi sur la sécurité nationale]".

Jimmy Lai est apparu devant la cour plus mince qu'avant son emprisonnement, alors que ses enfants, réfugiés aux Etats-Unis, ont fait part la semaine dernière de leurs inquiétudes.

Le gouvernement de Hong Kong a souligné que M. Lai était soumis aux mêmes conditions que "les autres détenus" et qu'il recevait des soins médicaux "adéquats et complets".

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