"J'étais seul dans une classe", raconte à l'AFP Paul Nitsche, professeur de religion, venu mercredi se recueillir non loin des lieux du drame.
"Je travaillais, la porte était ouverte, il y a eu une détonation. Au début je n'y ai pas prêté attention".
Jusqu'à ce qu'il entende des douilles tomber sur le sol: "quelque chose a basculé en moi, je me suis levé d'un bond et j'ai décidé de courir".
Dans sa fuite, il aperçoit le tireur qui "essaie d'enfoncer la porte d'une classe avec un fusil".
"En dévalant les escaliers, je me dis que ce n'est pas vrai, que c'est un film", poursuit ce pasteur.
Mais "quand j'ai vu une élève allongée par terre et une enseignante à côté d'elle, j'ai compris".
Plus de rires, plus de chahut dans les couloirs: "il n'y avait aucun bruit, pas comme l'école qu'on connaît".
Six jeunes filles et trois garçons, dont un Franco-Autrichien et un Polonais, âgés de 14 à 17 ans, ont succombé aux tirs de l'assaillant. Une professeure a aussi été tuée: elle est morte à l'hôpital des suites de ses blessures.
"Nous laisser en paix"
Devant la salle mise à leur disposition mercredi, des adolescents, souvent vêtus de noir, vont et viennent, préférant pour la plupart garder le silence.
Et quand ils prennent la parole, c'est pour appeler à respecter leur deuil.
"C'est incroyablement difficile", témoigne Ennio, scolarisé dans l'établissement. "Et je voudrais de tout mon cœur demander aux médias de nous laisser pleurer en paix".
"Solidarité" : le message s'affiche partout dans le pays qui s'est figé dans une minute de silence à 10H00 (08H00 GMT), des transports en commun viennois aux administrations, à l'heure exacte où les coups de feu ont décimé des classes.
Devant l'opéra de Vienne et les bâtiments publics, des drapeaux noirs ont été hissés.
"On veut montrer à ceux qui pleurent qu'ils ne sont pas seuls et qu'on souffre avec eux", confie Michael Saad, un étudiant de 22 ans lors d'une veillée organisé mardi soir au coeur de Graz.
Des centaines de personnes se sont rassemblées sur la place centrale de cette ville du sud-est d'environ 300.000 habitants, la deuxième d'Autriche.
Les églises organisent des messes, la plupart des évènements publics ont été annulés. Et afin de se sentir utile, on donne son sang pour la dizaine de blessés. Parmi eux, deux Roumains et un Iranien.
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"Pourquoi ?"
Alors que les motivations du tireur, un Autrichien de 21 ans, ne sont pas connues, une bombe artisanale et un projet d'attentat avorté ont été retrouvées à son domicile.
Pourquoi a-t-il ciblé deux classes? Comment est-il rentré si facilement? Inconnu des services de police, le tueur avait quitté l'école sans diplôme.
Il vivait avec sa mère, qui l'a élevé seule dans un lotissement propret, sans histoires, à Kalsdorf, à une demi-heure de route de Graz.
La vidéo et la lettre d'adieu qu'il a laissées n'offrent aucun indice sur son mobile.
"Avec sa casquette et ses écouteurs, il ne disait pas bonjour", selon Thomas Gasser, un employé de supermarché de 38 ans qui habite en face.
"Plus rien n'est comme avant", dit ce voisin, encore marqué par l'intervention des forces spéciales la veille vers midi, venues perquisitionner l'appartement. "Ils étaient 15 ou 20".
"Ici tout le monde se connaît et ce sera difficile à surmonter", estime Anna Slama, une élue de Graz.
La tuerie rappelle un autre drame, survenu il y a tout juste dix ans: un forcené de 26 ans avait tué un enfant et deux adultes en fonçant dans la foule au volant de sa voiture.
"A l'époque, on avait ressenti la même chose", se rappelle Thomas Klietmann, un architecte de 56 ans.