TikTok, Russie : la trouble campagne du candidat d'extrême droite roumain

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Campagne "massive" sur les réseaux sociaux, influenceurs instrumentalisés, cyberattaques étatiques de style russe : des documents déclassifiés par la présidence roumaine détaillent les allégations visant le candidat d'extrême droite Calin Georgescu et en arrière-plan, la Russie.
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Arrivé à la surprise générale en tête du premier tour de la présidentielle, Calin Georgescu fait figure de favori du second tour prévu dimanche, selon les sondages.

Une campagne TikTok "agressive"

Les données obtenues "révèlent une campagne de promotion agressive, en violation de la législation électorale, et une exploitation des algorithmes pour accroître la popularité de Calin Georgescu de manière accélérée", écrivent les autorités.

C'est sur la base de ces éléments que le Conseil suprême de défense nationale a dénoncé la semaine dernière le "traitement préférentiel" accordé au candidat, qui a "bénéficié d'une exposition massive" sur le réseau de partage de vidéos en n'étant pas "étiqueté comme candidat politique".

TikTok avait alors "catégoriquement" démenti ces accusations. Jeudi, la plateforme d'origine chinoise, placée sous surveillance renforcée de l'UE, a promis de coopérer avec Bruxelles.

Cette opération "guerilla coordonnée" a permis, d'après les documents roumains, de doper spectaculairement la notoriété de l'ancien haut fonctionnaire. Il figurait à moins de 1 % dans les sondages début novembre et a au final recueilli plus de 22% des voix au soir du premier tour le 24 novembre.

Les services secrets ont recensé "25.000 comptes TikTok" directement associés à sa campagne et devenus "extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin".

C'est depuis le réseau social Telegram que la mobilisation a été organisée et des consignes données.

Dans cette optique, un "important réseau" d'influenceurs a été mis à profit, pour la plupart à leur insu. Une centaine ont été recensés, totalisant plus de huit millions d'abonnés.

Des comptes ont aussi été créés utilisant des logos d'institutions officielles, "afin de faire croire que M. Georgescu avait le soutien" de ces organisations.

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Le rôle de la Russie

Parmi ceux qui ont participé à la campagne, certains "ont été précédemment impliqués dans la promotion des messages prorusses, anti-OTAN et anti-Ukraine", décryptent les autorités roumaines.

Elles établissent un parallèle avec des campagnes menées par le passé en Moldavie et en Ukraine.

La Roumanie, voisine du pays en guerre, a par ailleurs détecté plus de 85.000 cyberattaques, "y compris le jour de l'élection", lancées depuis une trentaine de pays" et exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux" pour déstabiliser le processus.

"Le modus operandi et l'ampleur" pointent vers un acteur étatique, selon la même source, tout comme dans le cas de la campagne TikTok.

Dans un rapport séparé n'établissant pas de lien direct, les services de renseignement extérieurs estiment que la Roumanie, de même que d'autres pays du flanc oriental de l'Otan, est désormais perçue par Moscou "comme un État ennemi" et devient "la cible d'actions hybrides".

Le ministère des Affaires étrangères a indiqué jeudi "enquêter sur ces tentatives d'interférence, toujours en cours" et "avoir informé ses alliés", Washington se disant pour sa part "préoccupé".

Le Kremlin, comme toujours dans cette situation, a nié toute interférence dans les élections.

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Financement opaque

Calin Georgescu n'a déclaré aucune dépense à l'autorité électorale, sans expliquer comment il finançait sa campagne.

Or, les documents font état d'un compte TikTok, dont l'utilisateur a versé des paiements de 381.000 dollars (361.000 euros) entre le 24 octobre et le 24 novembre aux internautes contribuant à promouvoir le candidat.

Ils montrent en outre que des influenceurs ont été rémunérés "environ 400 lei (80 euros) par 20.000 abonnés" pour le faire exister.

Le parquet a ouvert jeudi une enquête sur "de possibles délits électoraux et de blanchiment d'argent".

Dans une interview télévisée, M. Georgescu a ironisé sur "un système qui panique parce qu'il n'accepte pas de perdre" et "tente par tous les moyens de stopper un candidat".

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