En janvier 2024, un article du quotidien britannique Daily Mail et un communiqué de l'ONG Survival International avaient rapporté des violences, y compris sexuelles, sur des membres du peuple autochtone baka (autrefois appelé Pygmées), de la part de gardes d'African Parks, longtemps présidé par le prince Harry, encore membre de son conseil d'administration.
"Une femme décrit son viol. Un planteur de bananes montre des cicatrices sur son dos après avoir été torturé au moyen de torches, selon lui", écrivait aussi le média allemand Tagesschau après une enquête autour du village de Badekok, à la lisière du parc national d'Odzala-Kokoua, situé dans le nord-ouest du Congo.
"African Parks reconnaît que, dans certains cas, des violations des droits humains ont été commises, et nous regrettons profondément la douleur et la souffrance causées aux victimes", a admis cette ONG gérant 22 parcs en Afrique dans un communiqué diffusé tard jeudi, à l'issue d'une enquête confiée à un cabinet d'avocats.
"C'est une réaction responsable", a déclaré à l'AFP Trésor Nzila, directeur du Centre d'actions pour le développement (CAD), l'une des principales organisations de défense des droits humains au Congo. "Cacher les exactions commises par les éco-gardes au nom de la lutte contre la criminalité faunique n'a fait que renforcer la commission d'autres exactions", a-t-il estimé.
Le cabinet Omnia indique dans un communiqué avoir investigué "21 incidents", dont certains "concernaient plusieurs victimes présumées". Ils "impliquent des allégations de violences physiques et sexuelles graves (y compris des viols) assimilables à de la torture ou à d'autres mauvais traitements, d'homicide, d'arrestations et de détentions arbitraires", selon le texte.
Mais "en accord avec African Parks, ce document n'aborde pas les résultats de notre enquête", précise toutefois le cabinet.
Le prince Harry accusé de "harcèlement" par la patronne de l'ONG qu'il a cofondée
Parcs "fortifiés"
A Odzala, African Parks assure prendre des "mesures à l'encontre des membres du personnel impliqués".
Reconnaissant des "défaillances", l'ONG, critiquée pour ses méthodes parfois paramilitaires selon des acteurs locaux, s'engage à "remédier aux lacunes identifiées".
Présent dans 13 pays du continent, African Parks est un géant de la conservation animale au budget de 122 millions de dollars (108 millions d'euros) en 2023, selon son rapport annuel.
L'organisation reçoit des fonds de l'Union européenne et du gouvernement américain, mais aussi de la superstar Taylor Swift, par exemple. La chanteuse américaine lui a reversé l'intégralité des revenus de son clip "Wildest Dreams".
Un livre d'enquête sorti en 2024 accuse également African Parks de "pratiques néocolonialistes" dans sa gestion des parcs que les gouvernements locaux lui ont déléguée.
Dans ce livre intitulé "Au nom de la nature", le journaliste néerlandais Olivier van Beemen, qui a interviewé près de 250 personnes dans l'environnement de l'ONG, a documenté les "conflits avec les populations locales qui voient leurs droits et leurs coutumes bafoués", les tensions se focalisant souvent sur l'accès aux terres et le prélèvement de gibier.
"Sous couvert de préserver la faune et la flore, des décideurs et milliardaires blancs entretiennent le mythe occidental de la +nature africaine vierge et sauvage+ pour mieux la vendre aux touristes", indique la notice de son éditeur en France, Rue de l’Échiquier.
Un projet emblématique de l'organisation est le parc de Zakouma, au Tchad. Quand African Parks en a pris les rênes en 2010, seulement 450 éléphants y subsistaient. La population de pachydermes avait fondu de 90% à cause des braconniers, parmi lesquels des Janjawids, miliciens du Darfour voisin longtemps déchiré par la guerre civile.
Protégés par des rangers équipés comme des soldats et défilant tels des militaires, les troupeaux ont été sauvés de la disparition et l'hémorragie arrêtée.