Aux Etats-Unis, la droite chrétienne influence la politique africaine de Donald Trump

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Arguant d'une "menace existentielle" pour les chrétiens au Nigeria, le président Trump a replacé le pays le plus peuplé d'Afrique sur la liste des pays "particulièrement préoccupants" en termes de liberté religieuse et menacé d'une intervention militaire pour y mettre fin au "terrorisme islamiste".
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D'abord la minorité blanche en Afrique du Sud, maintenant les chrétiens au Nigeria : Donald Trump semble sous l'influence grandissante de la droite chrétienne qui tente de peser sur la politique étrangère du président américain, notamment en Afrique, selon des experts.

Arguant d'une "menace existentielle" pour les chrétiens au Nigeria, le président Trump a replacé le pays le plus peuplé d'Afrique, pourtant un allié clé des Etats-Unis, sur la liste des pays "particulièrement préoccupants" en termes de liberté religieuse et menacé d'une intervention militaire pour y mettre fin au "terrorisme islamiste".

"Massacre des chrétiens"

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a réitéré mardi que "si le gouvernement nigérian continue à autoriser le massacre des chrétiens, les Etats-Unis cesseront immédiatement toute aide et assistance au Nigeria" et pourraient prendre d'autres mesures.

Les autorités locales et nombre d'observateurs soulignent pourtant que le Nigeria, qui est divisé presque équitablement entre un nord à majorité musulmane et un sud majoritairement chrétien, est en proie à de nombreux conflits qui ont tué des chrétiens et des musulmans sans distinction.

Pour Cameron Hudson, ancien conseiller Afrique à la Maison Blanche sous George W. Bush, la droite américaine décrit un pays où les chrétiens seraient exclusivement victimes de persécutions, "car cela correspond à un discours plus large qu'ils ont dans le monde sur la persécution des chrétiens et la disparition des Etats-Unis en tant qu'Etat chrétien".

Or, ajoute-t-il, "le problème est que cette présidence ne remet pas en question l'analyse de la droite chrétienne. Elle prend littéralement leur évaluation de ce conflit pour parole d'évangile – sans jeu de mots."

"Nationalisme chrétien"

Pauline Bax, directrice adjointe du programme Afrique à l'International Crisis Group, confie de son côté qu'"on assiste à une montée en puissance de ce que l'on pourrait appeler le nationalisme chrétien, en partie alimenté par l'administration Trump".

Elle relève qu'il existe nombre de groupes de pression à Washington qui tentent "d'influencer sa politique envers l'Afrique."

D'influents élus républicains, tels que le sénateur Ted Cruz, se sont félicités de la décision de Trump, qui représente "une étape cruciale pour exiger des comptes aux responsables nigérians qui ont facilité et créé un environnement propice aux exactions commises au Nigeria, et pour changer leur comportement".

Des élus et associations chrétiennes évangéliques avaient écrit début octobre au président Trump, lui réclamant de s'attaquer à ce qu'ils dénoncent comme un "génocide" contre les chrétiens au Nigeria.

Précédent sud-africain

Le président américain s'en est pris de façon similaire à l'Afrique du Sud en raison de la persécution, selon lui, des Afrikaners, des descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud. Là aussi, sur la base d'informations largement contestées sur le terrain.

Pretoria, qui a vigoureusement protesté, est visé par les droits de douane américains les plus élevés d'Afrique subsaharienne (30%).

Pas sûr, cependant, que le président nigérian Bola Tinubu, qui selon son bureau est prêt à rencontrer Donald Trump, ait intérêt à tenter l'explication de texte.

"Demander à rencontrer Trump est une très mauvaise idée", souligne Cameron Hudson, citant le précédent sud-africain.

En mai dernier, le président Cyril Ramaphosa avait été pris en embuscade par Donald Trump à la Maison Blanche, contraint de visionner une vidéo censée étayer les accusations américaines selon lesquelles les agriculteurs blancs sud-africains sont victimes de "génocide".

Improbable visite

Toutefois, les experts ne s'attendent pas à ce que le Nigeria envenime les choses.

"Le Nigeria souhaitera certainement maintenir des relations étroites avec les Etats-Unis, afin de continuer à bénéficier du soutien militaire américain", dit Pauline Bax, citant notamment la lutte contre le groupe jihadiste Boko Haram.

Plus généralement, depuis son retour au pouvoir en janvier, le président américain n'a guère montré d'intérêt pour l'Afrique, même s'il a obtenu un cessez-le-feu dans l'est de la République démocratique du Congo, dans le cadre duquel il a obtenu un accès aux terres rares du pays.

En juillet, il a aussi réuni en grande pompe des dirigeants de cinq autres pays africains riches en minerais : Liberia, Sénégal, Mauritanie, Guinée-Bissau et Gabon.

Mais Donald Trump se rendra-t-il en Afrique, continent qu'il n'a pas visité lors de son premier mandat de 2017 à 2021 ?

"J'en doute fortement. Je ne pense pas que l'Afrique soit une priorité pour le gouvernement américain", répond Pauline Bax.

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