Tout est allé très vite. Samedi dernier, le constitutionnaliste Benjamin Morel a suggéré sur X que la suspension de la réforme des retraites soit introduite, non par un amendement ou un texte spécifique, mais par une “lettre rectificative”.
Cette idée a été immédiatement reprise par les oppositions, tant par Jean-Luc Mélenchon que par Marine Le Pen.
Et ce mardi, le Premier ministre a annoncé qu'une "lettre rectificative" au projet de budget de la Sécu serait présentée en Conseil des ministres.
Budget par ordonnance
Interrogé par Brut., Benjamin Morel explique que cette lettre permet au gouvernement de modifier son projet de budget initial et donc de s'assurer qu'il contient la suspension de la réforme des retraites.
Mais pourquoi prendre une telle mesure ? Parce qu'il est “très probable”, explique Benjamin Morel, que le gouvernement passe par ordonnance pour avoir un budget avant le 31 décembre.
Or, le ministère des Relations avec le Parlement estime que, si un gouvernement décidait de faire passer un budget par ordonnances, alors seul le texte initial pourrait être transposé.
“Si le projet originel était appliqué par ordonnance, il comprendrait alors la suspension de la réforme des retraites”, conclut Benjamin Morel.
Cavalier législatif
De plus, la lettre rectificative répond “aux plaintes de nombreux parlementaires” qui s'inquiétaient que la suspension de la réforme des retraites, introduite par amendement, “soit considérée comme un ‘cavalier législatif’ (mesure introduite par un amendement dans une loi en préparation qui n’a aucun lien avec le texte en question, NDLR) et donc rejeté par le Conseil constitutionnel”, souligne-t-il.
Enfin, le sujet de la réforme des retraites étant particulièrement inflammable, la lettre rectificative permet d’éviter un vote serré sur un amendement.
Mais, elle est “soumise à la même procédure que le projet de loi [étude d'impact, avis du Conseil d'État, conseil des ministres]”, précise le constitutionnaliste.
Et si elle n’est prévue par aucun texte, cette procédure a déjà été utilisée en 1990 et validée par le Conseil constitutionnel.
Nouveau délai
L'examen du projet de budget de la Sécurité sociale en commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale est donc repoussé au lundi 27 octobre, en raison de l'ajout, dans le texte initial du gouvernement, de la mesure de suspension de la réforme des retraites, a-t-on appris ce mercredi de plusieurs députés.
Selon la Constitution, l'Assemblée a, en première lecture, 20 jours pour se prononcer à partir de la réception du projet de budget de la Sécu. Le délai est remis à zéro par la lettre rectificative.
Selon une source gouvernementale, ce nouveau délai débuterait ce vendredi 23 octobre, pour s'achever mercredi 12 novembre à minuit.