Bug Tome 3 : Augustin Trapenard a rencontré Enki Bilal

A l’occasion de la sortie du livre 3 de Bug, Augustin Trapenard a rencontré Enki Bilal, qui signe une exposition au Musée de l’Homme à Paris.

“Je dirais que mon trait, il sert avant tout à disparaître”


Augustin Trapenard : “On est dans votre atelier dans le centre de Paris et je me dis qu'un artiste et un auteur de bande dessinée aussi, c'est toujours d'abord un trait. Qu'est ce qu'il a de si spécial, votre trait ? Comment est-ce que vous pourriez le définir ?”


Enki Bilal : “Je dirais que mon trait, il sert avant tout à disparaître. Dans la bande dessinée, on est plutôt dans la technique traditionnelle c'est le dessin au trait à l'encre de Chine, etc. Moi, je suis plus dans la peinture, donc j'estompe le trait. Le trait, moi je le cherche, je ne sais pas où il est et je veux qu'il ne soit pas visible.


Une image qui a été parfaitement imaginée et qui est parfaitement restituée, elle n'est pas validée pour qu'il y ait une espèce d'aventure où il se passe. Des accidents qui font que finalement, l'image elle est bien parce que elle n'était pas prévu comme ça. Il y a le dessin lui-même, mais quand la couleur arrive elle estompe, les flous, etc. Tout ça, ça amène d'autres, je pense, d'autres facettes de la narration… Et du mystère aussi.”


Abd Al Malik, Florence Aubenas, Jean-Baptiste Del Amo, Chloé Delaume… Retrouvez Plumard, la série littéraire d’Augustin Trapenard sur BrutX. Dans chaque épisode, il reçoit un auteur ou une autrice de livres et romans.


“Toutes mes histoires sont liées à ce que nous sommes, ce que nous vivons”


A. T. : “Vous dessinez depuis que vous racontez des histoires, ou est-ce que vous racontez des histoires pour les dessiner ? C'est la question que je me pose.”


E. B. : “Très vite, très vite, j'ai eu besoin de raconter quelque chose pour dessiner.”


A. T. : “Qu'est ce qui fait qu'à un moment donné, vous devez raconter ?”


E. B. : “C'est ma façon de parler du monde d'aujourd'hui. Donc, toutes mes histoires, même les plus décalées, les plus délirantes, sont… Les plus futuristes, sont liées à ça, sont liées à ce que nous sommes, ce que nous vivons, ce que je vis. De ce réel, c'est de propulser, se propulser vers quelque chose de prospectif, mais qui nous concernent dans un futur proche.”


Découvrez notre interview de Laurent Astier, auteur de BD, qui a notamment écrit “Face au mur”, “Faut pas prendre des gens pour des cons” et “La Bombe”.


“La science-fiction, c’est un terme que je trouve trop réducteur”


A. T. : “Mais pour autant, vous vous dites que vous n'êtes pas dans la science-fiction, non plus.”


E. B. : “Alors je dis ça comme ça, parce que c'est un terme que je trouve souvent trop réducteur. C'est de la science-fiction, donc c'est de l'imaginaire, donc c'est des choses qui ne peuvent pas exister. Donc déjà, ça disqualifie quelque part déjà la démarche.”


A. T. : “Pourquoi le bleu?”


E. B. : “Parce que c'est là que j'ai éprouvé le confort, le plaisir et que j'ai voulu que ce bleu n'est pas seulement une seule fonction qui soit, pas seulement une couleur de l'apaisement. Je donne à ce bleu des fonctions parfois dramatiques et tragiques. Dans Bug, dans l'histoire. Il a une fonction réelle, c'est à dire que c'est un élément pour l'instant du scénario qui est présent visuellement, que les personnages évoquent puisqu'ils sont conscients. Hobb, le personnage principal est conscient d'avoir une moitié de visage bleu, il ne c'est pas ce que c’est ça ne part pas. Ça ne part pas au lavage.”


Les origines de l’histoire de Bug


A. T. : “Ces planches sont devenues des œuvres d'art vendues dans des musées pour certaines.”


E. B. : “Je m'attendais évidemment absolument pas à ça. Donc, j'ai vécu ça comme une espèce… Bizarrement, comme un soulagement. Je dis voilà, une forme de reconnaissance, mais ça, par contre, ça n'a absolument pas changé mon rapport à ce que je faisais.”


A. T. : “Comment vous avez imaginé Bug, vous vous souvenez ?”


E. B. : “Je plonge dans une piscine, je nage et je sens tout d'un coup quelque chose qui bat contre ma cuisse. Dans mes mouvements, il y a quelque chose d'anormal. En fait, je réalise que j'avais gardé mon portable dans la poche. Il est mort quoi. Tout d'un coup j'ai une espèce de sentiment de dépossession et d'insécurité.


J'imagine à la fois le bug généralisé, j'imagine le retour de Mars. D'une expédition avec un homme survivant. Qui ramène en alien. Ben là, c'est le point de départ, c'est le début de Bug. Et j'imagine ça et ce bug, en fin de compte, aspire, a aspiré toute la mémoire du monde, à aspirer tous les fichiers. Tout ce que vous avez sur votre téléphone portable, dans vos ordinateurs. À l'échelle mondiale.”


A. T. : “On parlait de mémoire. Est-ce qu'il arrive que votre histoire, vous l'oubliez ?”


E. B. : “J'ai une mémoire qui est assez infaillible. À tel point que, par exemple, je n'ai pas relu le 2 avant de faire le 3. Avec la fin du 3, le 4, je sais ce que je peux faire, donc ça va être beaucoup plus costaud. Et le 5, peut être le dénouement. Je me vois difficilement après Bug, revenir à une autre thématique puisque c'est une thématique qui est totalement englobante.”


Enki Bilal est un auteur de bandes dessinées et réalisateur de films français. Il a notamment réalisé le film "Immortel, ad vitam" et le court métrage documentaire "Le film du sommeil". En 1987, il reçoit le grand Prix du festival d'Angoulême. Chaque année, le festival international de la bande dessinée à Angoulême récompense une ou un auteur de BD. Le tome 3 de sa série Bug sort prochainement en librairie.


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