L'histoire de Clémentine Delait, la célèbre femme à barbe

C'est l'une des premières femmes en France à avoir assumé sa barbe au 20e siècle. Elle a réussi à en faire une force et son business. Et c'est l'une des sources d'inspiration du film "Rosalie" de Stéphanie Di Giusto, présenté au Festival de Cannes 2023. Voici l'histoire de Clémentine Delait.

Clémentine Delait, la femme à barbe la plus connue de France


Stéphanie Di Giusto est la réalisatrice du film “Rosalie”. Il s’inspire de la vie de Clémentine Delait, la célèbre femme à barbe française. “C’est la plus connue en France. A son époque, au début du 20e siècle, on va dire, elle est devenue de plus en plus connue de par son café qu'elle a tenu dans la petite ville de Thaon-les-Vosges (ndlr : dans la région Grand-Est de la France). Elle a gagné de la renommée jusqu'à voyager un peu partout en Europe. Je crois qu'elle est devenue célèbre pour une raison toute simple, c'est qu'elle a assumé sa barbe et elle en a fait une force” explique Hélène Michel-Béchet, historienne et documentariste. La jeune femme est atteinte d’hirsutisme, un trouble génétique, qui génére chez une femme la pilosité d’un homme. 

Retour sur l’histoire des poils dans nos sociétés


A l’époque, Clémentine Delait est examinée par les médecins pour essayer de comprendre les causes de cette extra-pilosité. Le corps médical met ensuite un nom dessus : l’hirsutisme. “Mais je crois que les femmes qui ont de la barbe ne se sentent pas malades” précise l’historienne qui ajoute : “Il y a eu d'autres femmes à barbe qui ont été connues, surtout aux États-Unis dans les cirques, mais malheureusement pour elles, souvent, elles ont connu un destin plus tragique parce qu'elles étaient sous la coupe d'un homme qui faisait du business sur leur dos”. De son côté, Clémentine Delait est parvenue à conserver son entière liberté et à faire de son image “quelque chose d’exceptionnel et puis d’en faire un business, puisqu'elle gagnait un peu sa vie aussi grâce aux cartes postales qu'elle vendait à son effigie” déclare Hélène Michel-Béchet. 

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“L’un de ses clients lui a dit : "Je te parie que tu ne serais pas capable de la laisser pousser””


Clémentine Delait a décidé de laisser pousser la barbe pour une raison bien précise : “Elle va à la foire de Nancy, elle voit une femme à barbe qui a, comme elle l'écrit, trois poils au menton. Pour elle, ce n'est pas une femme à barbe, donc elle raconte ça dans son café, et l’un de ses clients lui dit : "Je te parie que tu ne serais pas capable de la laisser pousser.” Donc c'est ce qu'elle fait. Pendant deux semaines, elle ne se montre pas, elle laisse pousser sa barbe. C'était une femme de caractère, et quand on lui propose ce pari, c'est un challenge pour elle et elle le tient aussi parce que c'était difficile pour elle de toujours devoir aller chez le barbier. Elle a décidé de s'assumer pour être pleinement elle-même. Et en voyant que les personnes autour d'elle l'acceptaient comme elle était, et comme elle avait un fort caractère, je pense qu'il était plus simple pour elle de la garder. D'autant plus que finalement, ça a fait aussi marcher ses affaires puisque le café est devenu de plus en plus connu, après” décrit l’historienne. 


Le fait qu'elle ait gardé sa barbe lui a permis d'avoir plus de liberté”


Pour cette dernière, lorsque Clémentine Delait décide de garder sa barbe, “je pense pas qu'elle ait la clairvoyance de penser que c'est un acte féministe. Et d'ailleurs, dans ses mémoires, elle critique un peu les suffragettes de l'époque. La chose qui se passe de super étonnant et qui est incroyable dans cette histoire, c'est que le fait qu'elle ait gardé sa barbe lui a permis d'avoir plus de liberté”. La jeune femme pratiquera ensuite du sport, portera un pantalon, etc. “Donc on peut dire en fait que c’est ce qu’elle a réussi, grâce à cet attribut masculin, c’est à s'émanciper” commente Hélène Michel-Béchet. 

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Clémentine Delait, c’était quelqu’un de culotté, d’affirmé, qui a eu ce courage. Il faut être très courageux quand même pour s'afficher dans des sociétés. On est à cette époque au début du paternalisme social, il y a l'idée d'uniformité. Finalement, on n'a pas le droit d'être soi. Elle était finalement résolument moderne, cette femme. Elle affronte le regard des autres, elle affirme sa féminité contre les a priori d'une époque. Et je crois que c'est ce qui est en train de se passer aujourd'hui, il y a vraiment un besoin de se recentrer sur : c'est quoi un être humain, homme, femme… C'est quoi, au final, un être humain ?” conclut la réalisatrice du film “Rosalie”, inspiré de l’histoire de la femme à barbe la plus connue en France et présenté au Festival de Cannes 2023.

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