Se sentir "à sa place", par Claire Marin – Brut Philo

BRUT PHILO. Ne pas se sentir à sa place, c'est un sentiment répandu… Mais qu'est-ce que l'expression "être à sa place" révèle de nous ? Réflexions avec la professeure de philosophie Claire Marin.

"Pourquoi je devrais rester à une place liée à ma naissance, mon genre, mon milieu d'origine ?"


Ne pas se sentir à sa place, c'est une question qui nous inquiète et qui nous travaille tout au long de la vie. Même quand on est tout petit, dans la cour de récréation, on veut savoir, si on trouve sa place dans le groupe, si on se sent reconnu”. Claire Marin est enseignante de philosophie en classe préparatoire. Elle vient de publier “Être à sa place: habiter sa vie, habiter son corps” aux éditions de L’Observatoire, “un ouvrage qui parle de toutes les places qu’on occupe dans nos relations, nos professions, tout au long de vie”. Par “place”, l’autrice parle de “places géographiques, “je suis devant vous”, symboliques ou affectives, “je suis la fille de mes parents”, explique Claire Marin. 

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Jusqu’à quel point choisissons-nous notre place? Jusqu'à quel point l'endroit où nous nous trouvons par hasard ou celui qui nous est assigné avec autorité doivent-ils nous définir? On peut se demander avec Montaigne s'il faut, comme le caméléon, se résigner à prendre la couleur du lieu où on est assis ou plutôt, comme le poulpe, nous donner nous-même la couleur qui nous plaît selon les occasions. Pourquoi cette référence à Montaigne? Parce qu'il y a ce double rapport, en fait, à l'extérieur. Est-ce que l'extérieur m'impose sa couleur, pour reprendre l'image, ou est-ce que c'est finalement moi qui décide de la couleur que je prends et dont, éventuellement, je peux même envisager de changer?” interroge la professeure de philosophie. 

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À cause d'une origine, d'un stigmate ou de préjugés, faire sa place, c'est un vrai combat. Ça demande parfois des sacrifices très forts. Je crois qu'une question, c'est aussi : quel prix à payer pour faire sa place? Il y avait encore, dans ma jeunesse, l'idée d'une forme de stabilité des places. Et là, on voit que sur tous les plans, environnemental, social, professionnel, familial, affectif, les places sont très mouvantes, les choses sont incertaines tout au long de l'existence. Il y a des places, on sait qu'on peut les perdre très facilement. L'expérience de la pandémie a produit une sorte d'électrochoc. Ce qu'on pensait aller de soi, la liberté de mouvement, tout d'un coup, ça disparaît ou c'est extrêmement restreint, donc on a une conscience aujourd'hui beaucoup plus vive du fait que les places sont flottantes ou fragiles”.

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Comment trouver sa place en amour? Selon Claire Marin, “on en a plusieurs des places amoureuses et affectives. On est quand même de plus en plus face à des schémas où les histoires sont multiples. On fait comme on peut, c'est-à-dire on se fie à ce qu'on ressent”. Il y a certaines places où nous n’aurions pas voulu nous retrouver mais où les épisodes de la vie nous amènent. “Il y a des places qu'on a toujours eu peur d'expérimenter: quand on perd quelqu'un, quand on est plongé dans la maladie, quand on est au milieu d'une guerre, d'un conflit, de ses parents qui se disputent... Il y a plein de places qu'on a très peur d'occuper un jour. Et sans faire l'apologie de la catastrophe, ce sont aussi parfois des endroits où on se rend compte de ce dont on est capable. On traverse l'épreuve, alors, évidemment, ça laisse des séquelles, mais peut-être qu'aussi ça nous révèle quelque chose et il est même possible qu'on se retrouve à une place qu'on a tout fait pour éviter et que finalement, on s'y trouve bien” affirme Claire Marin. 

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