Charly, cambodgien, raconte son premier jour en France

Sa famille avait échappé au génocide cambodgien. Ce jour-là, lorsqu'il débarque à Paris, Charly n'a que 5 ans. Son premier jour en France, voilà comment il l'a vécu.

Le premier jour en France de Charly, cambodgien


Il est arrivé en France quand il avait 5 ans. Aujourd’hui, ce quadragénaire est photographe.


« *La première fois où j’ai atterri à Paris après l’aéroport, je me suis dit : « Wow, c’est quoi tous ces immeubles, c’est quand même incroyable ! » Charly est photographe. Il est arrivé en France avec sa famille quand il n’avait que 5 ans. Ses parents ont fui la dictature au Cambodge, et décidé de tout sacrifier pour assurer un avenir à leurs enfants. Aujourd’hui quadragénaire, Charly raconte à Brut les souvenirs de son premier jour en France.


« Ma mère travaillait sept jours sur sept pour s’en sortir »


On m’a amené à la tour Helsinki, c’est là où j’habitais avec mes cousins. On habitait au 31ème étage. Je me souviens très bien que la première fois, quand je suis arrivé chez eux, on a partagé un fruit. Banal, en somme. Mais c’est la première fois que je croquais une pomme, et je me suis dit : « C’est le meilleur fruit du monde. » On venait d’atterrir, donc tout était formidable, tout était magnifiquement beau. Et mes cousins nous ont emmenés au Trocadéro, à Paris, la tour Eiffel…

Ma mère travaillait dans la confection. Elle travaillait sept jours sur sept pour s’en sortir, parce qu’il fallait trouver de l’argent. Il fallait nourrir une famille. Et tous les jours, ma sœur et moi trimballions un petit caddie rempli de marchandises, des habits cousus pour aller livrer à un entrepôt à Olympiades. Mon père était serveur. Quand il était au Cambodge, il était prof de français.


« Du jour au lendemain, il a fallu tout quitter, tout abandonner »


On est arrivés en France parce que mes parents ont dû fuir le génocide au Cambodge. Du jour au lendemain, il a fallu tout quitter, tout abandonner. Nous avons fait une transition au Vietnam. Il a fallu attendre quatre ans pour pouvoir avoir les papiers, pour pouvoir être parrainé pour arriver en France, à Paris. Mon père a toujours dit que Paris, que la France en tout cas, c’était une terre d’accueil où on avait une liberté énorme, où il faisait bon vivre, et il s’est dit : « C’est là où je veux emmener mes enfants pour qu’ils grandissent. »


C’était compliqué pour mes parents parce que la priorité, c’était de trouver du travail, gagner sa vie, rembourser les dettes et faire vivre sa famille. Et moi, à 5 ans, je ne me posais pas la question. Je pense qu’inconsciemment, on a vécu l’assimilation. En fait, il y a une grande différence entre l’intégration et l’assimilation. Dans l’assimilation, tu effaces ton identité et tes repères. Pour paraître peut-être plus Français que Français. Tandis que quand tu t’intègres, tu t’intègres avec tes valeurs, tu t’intègres avec ton identité sociale et celle de ton pays. Il n’y a pas de revendication, mais tu ne t’oublies pas, quelque part. Est-ce que c’est un bon choix ou pas ? Je ne sais pas, on ne se posait pas la question, à l’époque. Quand tu es petit, tu te dis : « J’ai des amis, j’ai des copains français, j’ai des copains italiens. »


Du dernier au premier de la classe


C’est à Lognes que mes parents ont acheté pour la première fois. Ils étaient fiers comme tout d’avoir leur propre maison, un pavillon, après tant d’années de galère. De la 6ème jusqu’à la 4ème, j’étais le plus nul de la classe. Je ne comprenais rien, ça ne m’intéressait pas, j’étais dans un autre univers. Et lorsqu’il a fallu redoubler, c’est là où je me suis dit : « Bon, il faut peut-être que je sois un peu plus sérieux dans les études. » Et j’ai fait partie des trois premiers de la classe.


À partir de ce moment-là, j’ai toujours eu la conviction qu’à partir du moment où on a vraiment envie de faire quelque chose, on peut le faire. Même si c’est difficile, même si on va mettre plus de temps. Mais si on a le courage ou la force d’y aller vraiment, on y arrive. 


Une exposition photo sur les success stories


Aujourd’hui, je suis auteur photographe. Je lance une nouvelle signature de portraits contemporains, j’ai photographié 100 personnes. J’ai mis comme critère de casting le succès et le talent, parce qu’aujourd’hui, on parle beaucoup des choses pessimistes, négatives. Je me suis dit : « Pourquoi ne pas saisir l’occasion de montrer des success stories françaises, des gens qui ont travaillé toute leur vie, des gens qui ont eu le courage d’aller jusqu’au bout, et dont personne ne parle au final ? »


L’image de la France que j’ai eue, c’est que c’était un beau pays avec des gens riches, avec des gens extraordinaires. Et moi, à travers ça, je voulais aussi montrer les success stories françaises parce qu’il y a aussi beaucoup de gens qui sont extraordinaires, simples, qui ont le goût du travail, le goût du sacrifice.


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Brut.