Josette Torrent, 93 ans et jeune résistante à 12 ans

"J'avais codé un message pour un nommé Rex… Maintenant, je sais que c'était Jean Moulin." À 12 ans, elle est entrée dans la Résistance pour aider son père. Ce qu'ils ont vécu, elle l'a gardé secret presque toute sa vie. À 93 ans, elle raconte leur histoire.

Qui est Josette Torrent ? 

Josette Torrent a 83 ans et est née en 1930 à Perpignan. À l’âge de 12 ans, elle devient l’une des plus jeunes résistantes de la France, lors de la Seconde Guerre mondiale. De 1942 à 1944, elle est alors agent de liaison dans la ville de Perpignan, aux côtés de son père, Michel Torrent. Dans son livre À 12 ans, j’étais résistante, coécrit avec les journalistes Olivier Montegut et Johanna Cincinatis, elle raconte son destin hors du commun.

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“Je n’ai jamais eu peur”

En 1942, c’est lors d’un malaise que le père de Josette Torrent, Michel Torrent, agent de renseignement du Réseau Gallia, explique à sa fille qu’il est dans la Résistance et lui demande de l’aide. “Il a dit qu’il avait besoin de moi. Il m’a expliqué qu'il était dans la Résistance. Je n’avais jamais entendu ce nom, bien entendu, je ne savais même pas ce que c'était. Il m'a expliqué ce que c'était, la Résistance, et surtout, qu'il fallait faire très attention, qu'il fallait ne rien dire, tout garder secret. Il m’a dit qu’il avait un document important à porter et que, étant donné l'état dans lequel il était, ce n'était pas possible pour lui de sortir, donc si je pouvais y aller à sa place”, explique-t-elle. 


À cette époque, Josette Torrent avait “la rage contre les Allemands” et explique que son pays, la France, était comme une personne qu’il fallait sauver. Elle réalise alors sa première mission pour son père, à l’âge de 12 ans. Ses missions étaient toujours similaires et consistaient à livrer et recueillir des messages. “C'était avec un atlas, qu'il avait trafiqué et il avait fait des caches que l'on ne voyait pas, je les ai jamais vues. C'était dans la couverture. Je savais que je portais des documents dans cet atlas, j'allais à l'école et je le surveillais comme le lait sur le feu. Il m'avait dit : ‘Tu ne poses pas de question’”. La seule fois où Josette Torrent interroge son père est après avoir codé un message : “J'avais appris à coder et j'avais codé quelque chose pour un nommé Rex. J'ai demandé à mon père qui était ce Rex. Alors, il m’a regardée et il m’a dit ‘c’est le patron et tu oublies’. Bon, Rex, maintenant, je sais que c'était Jean Moulin”. 


Pendant ces deux années dans la Résistance, Josette Torrent explique ne jamais avoir eu peur mais avait seulement la crainte de ne pas pouvoir accomplir ses missions. “Ne jamais pleurer, jamais avoir peur, rien d'impossible, c'étaient les mots de mon père”, confie-t-elle. 

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L’arrestation de son père 

Le 2 mars 1944, la directrice de l'école de Josette Torrent la contacte. “Elle me dit: ‘Ma petite fille, vous devez rentrer à la maison tout de suite, on a arrêté votre père’. Mon père m'avait dit : ‘S’il m’arrive quelque chose, tu prends ta bicyclette dégonflée, tu sonnes à cette maison et tu dis ‘Est-ce que vous avez une pompe ?, Papa n’est pas là pour me réparer la bicyclette’, ce qui voulait dire que mon père avait été arrêté’”. Son père souhaitait également qu’elle brûle tous les codes, les documents qu’elle avait soigneusement cachés dans les roseaux qui servaient à ternir les tomates de son jardin. “C'est creux, un roseau. Je roulais en boule et je cachais tout là-dedans. J’ai mis le feu à tout ça. Il y a qu’une chose que je n’ai pas brûlée et que j’ai désobéi à mon père, c’est l’atlas. J’ai pas pu le brûler parce qu'il y avait ce dessin que mon père avait fait et c'était un souvenir de mon père. Et ça, je n'ai pas pu”. 


Durant une année, la famille reste sans nouvelles de Michel Torrent. Pour le retrouver, elles se rendent dans les gares pour partir à la rencontre des prisonniers de guerre de retour, au début de l’année 1945. “Les premiers déportés que j'ai vus, avec ces costumes rayés, moi, je n'avais pas quinze ans. Je me souviens que des yeux. Ils étaient tellement maigres. Et je paniquais, je disais: ‘Je ne vais pas reconnaître mon père, ce n'est pas possible’. Fin mai 1945, y en a un qui nous dit : ‘Oui, je l'ai connu, j'étais avec lui au camp de Flossenbürg et il est mort le 17 novembre’. Ma mère s'est trouvée mal et moi, j'ai été pétrifiée. Pour moi, ce n'était pas envisageable que mon père soit mort


Un devoir de mémoire envers son père

Le déni de la mort de son père, elle le connaîtra jusqu’en 1993. “Cette année-là, j'ouvre le journal chez moi, et je vois le nom de rue Michel Torrent, martyr de la Résistance, qui avait été changé par une plaque neuve Michel Torrent. Moi, quand j'ai vu ça, j'ai compris que ce qu'on me disait, qu'il était mort, c'était vrai, qu'il reviendrait plus”, partage Josette Torrent. 


C’est à partir de cette prise de conscience qu’elle décide de se rendre dans les collèges, les lycées pour témoigner de cette époque et partager ce qu’elle a vécu. “Je témoigne, c'est pour lui, c'est pour le devoir de mémoire que j'ai envers mon père. J'ai cette impression tout le temps, qu'il est près de moi et qu'il est près de moi”, termine Josette Torrent. 

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