Harcèlement : pour Anaïs Bourdet, témoigner ne suffit plus

Depuis 2012, elle recueillait la parole de femmes victimes de harcèlement sur sa page "Paye Ta Shnek". Victime de nouvelles agressions ce week-end, Anaïs Bourdet a décidé d'arrêter. Pour elle, témoigner ne suffit plus : il faut agir.

Harcèlement : pour Anaïs Bourdet, témoigner ne suffit plus


Depuis 2012, elle recueillait la parole de femmes victimes de harcèlement sur sa page “Paye Ta Shnek”. Victime de nouvelles agressions ce week-end, Anaïs Bourdet a décidé d'arrêter. Pour elle, témoigner ne suffit plus : il faut agir.


Un samedi soir, Anaïs Bourdet sort en club à Marseille avec une amie. À de multiples reprises, elle est « attrapée sur la piste de danse et forcée de danser avec des hommes ». Lorsqu’elle les écarte, elle se fait insulter raconte la créatrice de la page “Paye Ta Shnek”. À sa sortie du club, « un homme s'est mis à me toucher et je lui ai dit que je ne voulais pas qu'il me touche. Et là, son pote, sorti de nulle part, débarque et se met à me menacer de mort » raconte Anaïs Bourdet.


Un peu plus tard, son amie se fait également agresser par un homme « On décide de s'en aller définitivement du lieu, sauf que devant, ce n'est pas fini. Un homme met une droite spontanée à une femme donc on est intervenues » témoigne Anaïs Bourdet. « On a fini, elle et moi, recroquevillées derrière une barrière, en larmes, en ayant appelé un taxi et en priant pour qu'il arrive le plus vite possible et qu'il n'y ait pas d'épisode supplémentaire » se souvient Anaïs Bourdet.


En 7 ans, Anaïs Bourdet a reçu plus de 15 000 témoignages de victimes de harcèlement. Elle les publiait ensuite sur sa page “Paye Ta Shnek”. Elle a décidé d’arrêter, après avoir été victime d’agressions ce week-end-là. Pour la créatrice de la page “Paye Ta Shnek” et son amie, c’est « une soirée de plus gâchée par des hommes ultra dominants à qui on n'a rien demandé, à qui on n'a pas adressé la parole, même pas un regard ». Pour Anaïs Bourdet, c’est l’épisode de trop. Deux raisons l’ont poussées à prendre cette décision.


« La première, c'est pour me préserver » déclare Anaïs Bourdet. « Accueillir la parole des victimes, c'est quelque chose qui est violent, puisque je suis moi-même victime de harcèlement dans l'espace public, mais aussi en ligne du fait d'être féministe un petit peu visible » raconte la créatrice de la page “Paye Ta Shnek”. Anaïs Bourdet « n'arrive plus à lire les témoignages des victimes sans m'y reconnaître » et à prendre le recul nécessaire pour pouvoir « digérer toute cette violence ».


La seconde raison, c’est qu’Anaïs Bourdet estime que « témoigner ne suffit plus ». « Ça fait 7 ans qu'on prend la parole, Me Too, Balance ton porc sont passés par là, ça a été des mouvements très massifs. Pour autant, je suis incapable de vous dire que ces violences ont reculé » ajoute Anaïs Bourdet.


« Je ne veux plus non plus faire la promesse aux femmes si elles se font violence pour parler, on arrivera à changer les choses. Je n'y crois plus moi-même » poursuit Anaïs Bourdet. Pour la créatrice de la page “Paye Ta Shnek”, « il faut passer à une autre étape ». Elle pense notamment à l’éducation : « ces comportements, on les fabrique ». Anaïs Bourdet souhaite que les enfants soient éduqués à l’égalité, dès la maternelle, « sans quoi, on continuera tous les ans à mettre des milliers de harceleurs sur le marché du harcèlement ».


Anaïs Bourdet conclut en s’adressant aux hommes: « Messieurs, s'il vous plaît, empêchez vos potes qui ont des comportements comme ça sous vos yeux. Intervenez quand vous voyez une femme qui est harcelée ou qui est agressée par un homme » demande Anaïs Bourdet. « Ce n'est pas un problème de femmes, puisque ce sont des hommes qui harcèlent des femmes, vous êtes aussi concernés. (…) Le but, ce n'est pas de latter les hommes pour avoir la paix. On veut avoir la paix tous ensemble » conclut Anaïs Bourdet.


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Brut.