Que reproche le Niger à la France ?

Peut-on expliquer la colère contre la France en Afrique francophone par un simple "sentiment anti-français" ? Pour Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde, c'est minorer les raisons profondes de la contestation.

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Pour Ousmane Ndiaye, rédacteur en chef Afrique de TV5 Monde , le sentiment anti-français n'existe pas. Ce qui travaille la jeunesse africaine, qui a travaillé les générations d'avant, mais d'une autre façon, c'est une “contestation de la politique française en Afrique et es formes de la présence française en Afrique.”


Ousmane Ndiaye explique que la génération actuelle ne veut plus que la France se mêle des affaires internes de leur pays. L'appeler “sentiment anti-français” serait donc pour lui, minorer ce ressentiment. “C'est un message éminemment politique avant tout. Cette mobilisation, elle a toujours existé, elle a toujours été là. Ce qui change, c'est l'ampleur. Il y a une donne essentielle, qui a vraiment tout changé, c'est les réseaux sociaux et la possibilité que ces jeunes qui contestent peuvent avoir les moyens de leur propre discours. Par le passé, dans les générations précédentes, c'était plus compliqué d'avoir accès aux médias, pour pouvoir tenir ce discours-là, qui est parfois très radical, qui est parfois même violent. Il y a eu des choses tellement contestables dans les deux dernières décennies qui ont mobilisé les jeunes.”

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Une jeunesse qui s'exprime 


Il indique notamment que, par exemple, l'impact du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy à l’université, disant que ‘le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire’ est une intervention que la jeunesse africaine a très mal prise, l’ayant vécu comme une insulte. Ousmane Ndiaye rappelle que ce sont des jeunes qui ont des projets, qui rêvent pour certains de venir étudier dans les meilleures universités en France. “Ils savent, réellement, ce qu'il y a d'intéressant et de possible avec la France, ce n'est pas un divorce. Non, on veut une nouvelle relation. Ça, c'est très important. Cette relation-là ne nous convient pas, justement, parce que c'est une relation qui est l'héritage de la colonisation. Et ces jeunes-là sont plus à l'aise, d'ailleurs, pour le contester parce qu'ils ne l'ont pas connu. La génération d'avant, c'était un peu différent. Certains étaient français à leur naissance. Les liens sont plus forts.


“La France part sans partir”


Pour lui, c’est également lié aux décolonisations mal faites. “La France part sans partir. Quand vous écoutez le discours officiel: "On est présents pour lutter contre le terrorisme." D'accord! Mais moi, observateur, je note que, parfois, en Afrique, l'armée française jusqu'à présent intervient pas pour combattre du terrorisme ou du djihadisme. Je vous donne un exemple. Au Tchad, il y a deux ou trois ans, il y a une colonne de rebelles qui contestent le pouvoir, un mouvement politique qui a pris les armes pour contester le président. Le président, qui est un allié de la France, demande une intervention, et il y a une intervention de l'aviation française qui stoppe net cette colonne de rebelles. C'est une présence qui peut avoir des incidences politiques internes. C’est une présence qui peut s'immiscer dans des processus électoraux, dans des luttes de pouvoir internes.

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Au-delà de la domination militaire, il y aussi la domination économique. “Un des points de ralliement, un des points de réveil du mouvement politique qui conteste la présence française, c'est la question du franc CFA. Et puis, qu'on le veuille ou non, la question du franc CFA pose une vraie question de légitimité. D'autant plus que, encore une fois, il s'agit ni de quitter ni de partir, il s'agit d'inventer une nouvelle relation.” 


Selon Ousmane Ndiaye, les jeunes sont capables aussi d'être des forces de changement politique, qu’ils ont démontré ces dix dernières années comme avec le mouvement “Y'en a marre”, le mouvement Filimbi, le mouvement Balai citoyen, en Tunisie, les blogueurs. “La jeunesse a pris une part importante dans l'articulation de la révolution. Et c'est cette même jeunesse-là qui, dès que le discours est tourné contre la France: ‘Oh ouais, il y a la Russie.’ Mais il n'y avait pas la Russie quand ils se soulevaient dans tous ces pays, là. La Russie n'avait pas encore cette politique en Afrique. Donc je pense que, oui, il y a la question russe, sans doute, la Russie en profite, la Russie en embrigade certains, mais quand même, il ne faut pas oublier que, d'abord, la jeunesse est une force politique en Afrique, elle l'a toujours été. Sa dynamique, elle est d'abord issue d'elle-même.”, ajoute-t-il. 

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