L'enquête de Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) révèle notamment "la mise en oeuvre" par la société Infinite Style E-commerce LTD (ISEL), responsable des ventes des produits de Shein, de "pratiques commerciales trompeuses à l’égard des consommateurs sur la réalité des réductions de prix accordées".
L'amende, record pour ce type d'infraction, a été "proposée" avec "l'accord de la procureure de la République de Paris" et "à l'issue d'une procédure de transaction", précise la DGCCRF dans son communiqué, ajoutant que Shein a accepté la sanction.
Concrètement, il est notamment reproché à Shein de majorer "certains prix avant de leur appliquer une réduction", ou de ne pas avoir tenu compte "des promotions précédentes" lorsqu'il indiquait un prix de référence.
Promotions en trompe-l'oeil
"Ces pratiques de profusion de prix barrés et de promotions permanentes donnent ainsi au consommateur l’impression de réaliser de très bonnes affaires", explique la DGCCRF.
Avec, au bout, des situations paradoxales: dans 11% des annonces vérifiées par la DGCCRF, les promotions "étaient en réalité des augmentations de prix", souligne cette branche de Bercy. Pour 57% des cas, les annonces n'offraient en réalité "aucune baisse de prix" et "une baisse moins importante qu'annoncée" pour 19% des cas.
Lancée en France en 2015, Shein n'y connaît une ascension fulgurante que depuis quelques années.
En 2024, la marque y représentait 3% des dépenses d'habillement et de chaussures en valeur (contre moins de 2% en 2021) - une proportion énorme sur un marché très fragmenté.
Accusé tour à tour de pollution environnementale, de pratiques commerciales trompeuses, de concurrence déloyale et de travail indigne, Shein est devenu le symbole de tous les maux de "l'ultra fast fashion".
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Shein se défend
Pour mener son enquête, la répression des fraudes en France explique avoir relevé sur le site internet de Shein "les prix de plusieurs milliers de produits (prix de vente, prix barrés et pourcentage de réduction)" entre octobre 2022 et août 2023.
Autre agissement dénoncé: des "pratiques commerciales trompeuses" sur "la portée des engagements concernant les allégations environnementales" de Shein.
Dans une déclaration à l'AFP, le groupe asiatique affirme avoir "mis en œuvre sans délai les actions correctives nécessaires, achevées dans un délai de deux mois" après avoir été notifié par la DGCCRF "en mars 2024".
"L'ensemble des points soulevés" par l'enquête de la DGCCRF "a donc été traité depuis plus d’un an", affirme l'entreprise, en précisant que "ces ajustements n'ont eu aucun impact sur les prix finaux proposés aux consommateurs".
Shein assure par ailleurs que ISEL prend "très au sérieux ses obligations légales et réglementaires en France" et reste "pleinement engagé en faveur de la transparence et du respect de la réglementation française".
De son côté, la DGCCRF indique qu'elle "maintient sa vigilance sur l’évolution des pratiques constatées à l'issue de ces enquêtes".
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Déréférencement ?
Mais la bonne volonté affichée par Shein pourrait ne pas le mettre à l'abri de la menace de déréférencement, c'est-à-dire être retiré des résultats des moteurs de recherche comme Google.
La ministre du Commerce et des PME Véronique Louwagie a réagi jeudi à l'annonce de cette amende depuis un événement organisé par l'Alliance du commerce, affirmant être "en train d'écrire à la Commission européenne pour mettre en place des outils de déréférencement des plateformes" et ce, "même si elles coopèrent avec l'Etat", comme Shein.
La pression croissante exercée sur Shein par les autorités s'inscrit dans un contexte de dénonciations des pratiques de l'entreprise par les professionnels français du secteur du commerce, qui l'accusent, parmi d'autres, de détruire les emplois par une concurrence déloyale.
Mercredi par exemple, le PDG de Carrefour Alexandre Bompard appelait à la mise en place d'une taxe "à la Trump" sur les petits colis en provenance de Chine, à 100% de leur valeur.
De nouvelles amendes pourraient encore être annoncées dans les mois qui viennent à l'encontre des plateformes: "d'autres enquêtes sont en cours", a assuré Mme Louwagie jeudi, sans spécifier quels sites étaient concernés.