Le prix Femina, l'une des grandes récompenses littéraires en France, a été décerné, ce lundi 3 novembre, à Nathacha Appanah pour son roman "La nuit au cœur" (Gallimard), qui lie le destin de trois femmes prises dans la spirale des violences masculines.
Le prix Femina, dont le jury est entièrement féminin, a été remis au musée Carnavalet-Histoire de Paris à la veille des prix Goncourt et Renaudot et deux jours avant le Médicis.
12e livre et "premier grand prix"
Nathacha Appanah, qui est également en lice pour le Goncourt, a été choisie au second tour du vote devant les quatre autres romans figurant dans la dernière sélection : "La Maison vide" (Minuit) de Laurent Mauvignier, "Au grand jamais" (Gallimard) de Jakuta Alikavazovic, "Un mal irréparable" (Mialet-Barrault) de Lionel Duroy et "Le monde est fatigué" (Finitude) de Joseph Incardona.
"Je suis tellement heureuse d'avoir un prix d'automne. C'est mon 12e livre et mon premier grand prix", a-t-elle réagi, interrogée par l'AFP. "C'est un livre qui m'a pris longtemps. C'est un livre de compréhension de la noirceur et de la dynamique de la violence", a ajouté la romancière originaire de l'île Maurice.
L'autrice entremêle le destin tragique de trois femmes pour décrire les rouages de l'emprise de la part d'hommes jaloux, brutaux et manipulateurs.
"Ces femmes qui courent"
"De ces nuits et de ces vies, de ces femmes qui courent, de ces cœurs qui luttent, de ces instants qui sont si accablants qu'ils ne rentrent pas dans la mesure du temps, il a fallu faire quelque chose. Les écrire, les regarder en face", explique-t-elle dans le livre.
L'une de ces femmes est Chahinez Daoud, mère de trois jeunes enfants, brûlée vive par son mari qu'elle avait quitté, à Mérignac, près de Bordeaux, en 2021.
Cette affaire avait fait grand bruit et relancé le débat sur la prise en charge par la police et la justice des femmes victimes de violence conjugale. En France, une femme meurt tous les trois jours de la violence d'un conjoint ou ex. La deuxième est Emma, une cousine de l'autrice, également mère de trois enfants, écrasée par son mari en 2000 à l'Ile Maurice. La troisième est l'autrice elle-même, qui a fui, pieds nus, le compagnon violent et paranoïaque avec lequel elle vivait, jusqu'à 25 ans, à l'île Maurice.
"Emprise physique et morale"
La "mécanique de l'emprise physique et morale" mise en place par cet homme, qui "l'insulte, l'agresse, l'isole de ses amis, la surveille, contrôle ses sorties et la manière dont elle s'habille, parle à sa place, sait l'amadouer, lui fait du chantage, lui fait croire qu'elle n'a pas d'autre choix que de rester avec lui...", décrit-elle.
Nathacha Appanah raconte parallèlement le livre en train de se faire, son enquête, ses rencontres avec les proches des victimes et ses états d'âme.
"Parfois je perds la foi en ce travail", dit-elle, en évoquant "une sorte d'obscurité, de silence et d'impuissance de la littérature".
En 2024, le prix Femina avait été remis à l'écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy, pour "Le Rêve du jaguar".
Le jury a par ailleurs décerné le prix Femina du roman étranger à l'écrivain irlandais John Boyne, 54 ans, pour "Les éléments" (JC Lattès), un ouvrage déjà salué par le prix du Roman Fnac 2025. Ce livre raconte le destin enchevêtré de quatre personnes victimes de violences sexuelles dans leur jeunesse en Irlande.
Le prix Femina de l'essai a récompensé le journaliste et écrivain français Marc Weitzmann pour "La part sauvage" (Grasset), qui célèbre le romancier américain Philip Roth. "Lire les livres" de cet écrivain américain est important "dans la période dans laquelle on vit, une période post-littéraire et même post-culture", a déclaré Marc Weitzmann après avoir reçu son prix.








