Ex-policier accusé de féminicide: l'enfer décrit par d'anciennes compagnes

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"Je n'avais jamais connu ce que c'était que d'avoir peur toute sa vie": témoignant assise, évitant le regard d'Arnaud Bonnefoy, une ancienne petite amie a raconté mercredi sa terreur et la violence de cet ex-policier, jugé depuis mardi pour le meurtre en 2022 de sa compagne, Amanda Glain. 
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Avant le témoignage d'une troublante similitude d'une autre précédente compagne, également trentenaire, d'Arnaud Bonnefoy, elle a décrit devant la cour d'assises de Paris la violence, l'obsession de contrôle, le dénigrement, cette "jalousie maladive" concédée la veille par l'accusé. 

La jeune femme a rompu après quelques mois et pris la fuite à l'automne 2018, un peu plus de trois ans avant la mort d'Amanda Glain, créatrice de contenus digitaux étranglée à 28 ans et dont le corps avait été retrouvé dans la salle de bain de l'appartement que louait dans le nord-est parisien le gardien de la paix, en poste au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis).

Son pas pour venir à la barre est aussi hésitant que ses réponses sont précises: les violences (coup de tête, strangulation, crachat au visage...), les menaces de mort, les crises de jalousie et les "colères noires", les menaces d'afficher des photos intimes sur son lieu de travail à la RATP ou de les envoyer à ses parents pour avoir refusé de renoncer à un restaurant avec des amis, les reproches sur du vernis à ongles ou du maquillage, le chat mordu dans un "état de rage", la disparition régulière d'effets personnels... 

Elle raconte aussi les pratiques sexuelles imposées, auxquelles elle finissait par se plier sans les désirer: "Je ne voulais pas qu'il se fâche." 

Féminicide: la "jalousie maladive" d'un ex-policier jugé pour le meurtre de sa compagne

"Besoin excessif" des femmes

Même un geste qui pourrait sembler romantique de prime abord prend un tour inquiétant, comme ces pétales de roses répandus sur le pare-brise de sa voiture: Arnaud Bonnefoy n'était pas censé savoir où elle se trouvait. Comme l'autre témoin, elle se sentait traquée, surveillée dans ses déplacements. 

Quand elle revient en région parisienne après trois mois d'arrêt-maladie dans le sud, son appartement est ravagé. Pour la jeune femme, Arnaud Bonnefoy "a besoin d'être dans le contrôle", son départ et son absence, "ça l'a rendu malade": "dès que je m'éloignais, c'était la fin du monde." 

Cette "possessivité tyrannique", cette "exclusivité" n'est pas "de nature psychopathique", dit l'experte psychiatre Isabelle Teillet. Ne maîtrisant pas ses pulsions "y compris haineuses", "extrêmement immature", l'accusé a un "besoin excessif de l'autre", "pour tenir droit", notamment des femmes, à la fois "une nécessité et un danger". Quand l'autre s'en va, "c'est l'effondrement", poursuit la psychiatre. 

L'experte a rappelé les insultes qu'enfant sa mère, décédée en 2015, lui adressait parfois: "Petit con", "Petit merdeux", "Je ne t'ai jamais voulu". Aussi quand, selon la version d'Arnaud Bonnefoy, Amanda Glain le quitte en le traitant de "loser", de "connard", en lui disant qu'elle trouvera mieux, "il ne le supporte pas", explique la psychiatre. Pour Arnaud Bonnefoy, "la femme est aussi nécessaire qu'elle est haïe."

"Elle prenait son envol"

Quelques jours avant sa mort, Amanda Glain avait confié à sa mère "qu'elle ne resterait pas avec cet homme", a confirmé mercredi Jolanta Glain qui supporte mal que l'accent soit mis sur les fragilités psychologiques de l'accusé. 

Elle se souvient qu'Arnaud Bonnefoy étant alors en cavale, les obsèques de son enfant avaient dû se tenir "sous protection policière". Amanda Glain était une "femme moderne", "ancrée dans la réalité et dans son époque", elle "avait rendez-vous pour signer un CDI le jour où ce monstre lui a pris la vie, elle prenait son envol", dit-elle, colère contenue mais intacte.

Elle glisse aussi que sa fille "buvait son chocolat de la main gauche" et raconte qu'elle ne trouve guère le sommeil. Quand elle y parvient, ce sont souvent les sanglots de son époux qui la réveillent.

Les réquisitions et le verdict sont attendus jeudi.

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