Les activités "provocantes" de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes peuvent être légalement interdites, mais pas les activités "ludiques" car cela serait contraire au code pénitentiaire, a tranché le Conseil d'État dans une décision consultée par l'AFP.
La plus haute juridiction administrative a relevé que si le garde des Sceaux pouvait fixer les conditions d'exercice des activités proposées par l'administration pénitentiaire, il ne pouvait "interdire, par principe, des activités conformes au code pénitentiaire, simplement parce qu'elles auraient un caractère +ludique+", selon un communiqué de presse.
Le code pénitentiaire prévoit pour les détenus condamnés l'organisation d'activités permettant leur réinsertion.
Dans le sillage d'une polémique autour de prétendus soins du visage prodigués à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses, le garde des Sceaux avait annoncé, à la mi-février, avoir ordonné l'arrêt de toutes les "activités ludiques" en prison qui ne concernent pas l'éducation, la langue française ou le sport.
Dans une lettre au directeur de l'administration pénitentiaire, vue par l'AFP, le ministre avait insisté sur le fait que la mise en œuvre des activités en détention devait prendre en compte "sens de la peine" et "respect des victimes". "Aucune de ces activités ne peut être ludique ou provocante", ajoutait le texte du ministre.
Dans sa décision, le Conseil d'État a décidé d'annuler la mention "ludique ou" présente dans l'adresse du garde des Sceaux.
"Le ministre se félicite"
"Il est hors de question d'avoir des activités ludiques qui choquent tous nos concitoyens et qui m'ont choqué profondément", avait lui-même déclaré M. Darmanin, interrogé sur le sujet en février.
Il faut "arrêter désormais totalement ces activités dont personne ne comprend pourquoi elles existent", avait-il souligné.
"C'est un tort" de supprimer les activités ludiques en prison, avait alors réagi la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CLGPL), Dominique Simonnot.
Gérald Darmanin ordonne l'arrêt de toute "activité ludique" en prison
Rappelant que les "activités ludiques" en prison sont "prévues par la loi", Mme Simonnot avait expliqué à l'AFP que ces activités "ne sont pas simplement ludiques" mais "réapprennent aux gens à revivre normalement".
S'agissant des activités "provocantes", le Conseil d'État précise que seules pourront être interdites les "activités qui sont, en raison de leur objet, du choix des participants ou de leurs modalités pratiques, de nature à porter atteinte au respect dû aux victimes".
"Le ministre se félicite que le Conseil d'État ait validé sa circulaire relative aux activités en détention, dans son intégralité, excepté le terme +ludique+", a réagi le ministère sollicité par l'AFP.
"Il est donc confirmé qu'aucune de ces activités ne peut être provocante, que ces activités doivent +se mettre en œuvre en prenant également en compte le sens de la peine et le respect des victimes+, que +leur choix nécessite discernement, rigueur, cohérence, tant sur l'objet, que sur le choix des participants ou les modalités pratiques+", a insisté le ministère.
Plusieurs organisations dont l'Observatoire international des prisons (OIP) avaient saisi le Conseil d'État pour suspendre la décision du garde des Sceaux d'interdire les "activités ludiques" en prison.
Cette interdiction "contribue à entraver le droit de toute personne détenue à la réinsertion", affirmaient ces organisations.
Dans sa décision, le Conseil d'État a indiqué que l'État devra verser la somme globale de 3.000 euros aux organisations requérantes.
"Cette décision constitue un camouflet pour Gérald Darmanin qui a voulu interdire, par principe, toute activité ludique en détention, en réaction à la polémique médiatique des prétendus +soins du visage+ à la maison d'arrêt de Toulouse", a réagi l'avocat de l'OIP, Me Patrice Spinosi.
"La décision radicale du ministre avait entraîné la suspension d'une centaine d'activités dans l'ensemble des prisons françaises qui pourront désormais être reprises", s'est-il félicité.