"Peu d'individus sont capables" d'une "attaque d'une telle ampleur" : au procès du braquage de fourgons à Avallon

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L'un est passionné de mécanique, un autre se pique de couture, un troisième est féru de truffes espagnoles, mais ces hommes ont un point commun qu'ils livrent depuis mi-octobre à la cour d'assises de Paris: ils n'ont rien à voir avec le braquage d'Avallon en 2015. 
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Treize hommes, dont une dizaine de figures connues du banditisme, comparaissent pour cette attaque sur une aire d'autoroute de deux fourgons de convoyage de fonds, retrouvés éventrés et incendiés dans la campagne bourguignonne. 

C'est l'une des plus importantes du siècle: cette nuit de mars, un commando à l'organisation millimétrée d'une quinzaine de malfaiteurs parfaitement renseignés, lourdement armés, déterminés, repart avec plus de neuf millions d'euros de bijoux, de montres et de pierres précieuses. La plupart du butin n'a jamais été retrouvée.  

"Peu d'individus sont capables" d'une "attaque d'une telle ampleur", estiment les enquêteurs qui ont vite dans le viseur "une équipe de malfaiteurs particulièrement aguerris", issus des grands banditismes "parisien" et "corso-marseillais". 

Désormais grand-pères, le Parisien Belaïd Saker, 58 ans, et le méridional Jean-Claude Belmondo, 60 ans, qui se sont rencontrés en prison, cochent ces cases. Tout comme une autre connaissance de détention, Jean-Charles Perinetti, 56 ans. Celui-ci ne sera pas là pour entendre les réquisitions lundi et le verdict le 6 novembre: il est en fuite comme Bernard Beaucorny, 40 ans, dont l'ADN a été retrouvé près des fourgons. 

Les neuf autres accusés sont jugés pour des actes préparatoires; seuls ces quatre-là, qui encourent trente ans de réclusion, sont accusés d'avoir été membres du commando. 

Ce que réfutent Saker comme Belmondo, qui ne lâchent rien, même confrontés aux questions toujours précises et souvent gênantes pour eux du président Christophe Petiteau. 

"Pièces détachées"

Grand, mince, regard bleu perçant, visage taillé à la serpe, Belmondo a de la prestance. Né dans un train, cet homonyme du célèbre comédien est élevé par un oncle et une tante avant d'épouser la fille d'un membre connu du milieu marseillais. 

Ses activités criminelles le conduisent rapidement en cavale en Espagne où, raconte-t-il, il se lance dans l'import-export de truffes: "Ils ont beaucoup de truffes" et les Français n'imaginent pas à quel point celles qu'ils consomment sont souvent espagnoles, professe-il en début de procès. 

Sans se départir d'un ton affable, dans une langue élégante colorée d'un bel accent marseillais, il est moins prolixe vendredi sur les faits qui l'amènent à la barre. 

Le gilet pare-balles dans sa voiture? "J'ai pu oublier une veste dans ma voiture. Mais un gilet pare-balles, non", répond ce chasseur. Les balises qu'il commande? En aucun cas pour pister un fourgon, mais pour s'assurer qu'on ne lui vole pas les voitures d'occasion dont il fait alors commerce.  

Saker, lui, avance un alibi: à l'heure du braquage, il était aux urgences pour un problème au genou. Sauf que les enquêteurs se demandent s'il n'y a pas envoyé son jumeau, dont il utilisait aussi les papiers pour franchir les frontières. Un soupçon renforcé par son refus de contre-expertise d'un genou qui va mieux, dit-il à la cour, se voulant rassurant.  

Et ces livres sur la cote des montres de luxe retrouvés chez lui? "Je regardais le mécanisme des montres, j'aime beaucoup", dit cet homme décrit par ses proches comme un bricoleur hors pair. Certes, Saker fréquentait Belmondo et Perinetti, mais c'était pour les faire profiter de ses "supers plans pour les pièces détachées de motos". 

Les kilomètres parcourus pour aller se faire couper les cheveux par Alexandre Graziani, s'expliquent simplement: celui-ci coiffait bien, comme le suggère d'ailleurs son surnom. "Le Coiffeur", qui surprend quand il évoque la couture parmi ses centres d'intérêt, est soupçonné d'avoir mis les braqueurs en relation avec ses copains de salle de musculation, deux convoyeurs de fonds jugés pour avoir fourni des renseignements. 

Saker est toutefois en difficulté quand il est confronté au contenu de ses conversations dans des voitures sonorisées par la police. Trois mois près le braquage, il discute avec Perinetti des meilleures caches dans une voiture; dans une autre, il est question de montres et de neuf millions d'euros, somme similaire à l'évaluation du butin d'Avallon. Les deux fois, Saker oppose la même réponse: "Je ne me rappelle plus du tout de cette conversation."

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