Ordonnances, loi spéciale : quelles sont les voies que le gouvernement pourrait utiliser pour faire passer le budget ?

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Les députés poursuivent l'examen du budget 2026, mais le calendrier est serré et l'hémicycle divisé. L’hypothèse d’un recours aux ordonnances, ou à une loi spéciale, est évoquée. On vous explique ce que sont ces deux voies et pourquoi elles sont critiquées par les oppositions.
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Les députés bouclent, ce lundi 3 novembre, huit jours de débats sur la partie "recettes" du budget de l'Etat, pour laisser place à celles sur le budget de la Sécurité sociale. Les discussions reprendront dans une dizaine de jours jusqu'au plus tard le 23 novembre à minuit - les délais constitutionnels obligeant alors le gouvernement à transmettre le texte au Sénat.

Calendrier serré, majorité difficile à trouver

Le calendrier est donc très serré compte tenu de la lenteur des débats au Parlement et du nombre d’amendements à examiner. Le gouvernement tablait ces jours-ci sur un vote le 18 novembre pour la partie "recettes" du budget de l'Etat mais, pour le président de la commission des Finances Eric Coquerel, "on va tout droit sur le fait de ne pas voter".

En outre, il semble pour l’instant peu probable que le texte puisse trouver une majorité dans l'hémicycle, même si le gouvernement et le Parti socialiste affirment y croire. Si les délais sont tenus, l'adoption du texte nécessiterait l'abstention des socialistes et des écologistes (et le vote positif de toute la coalition gouvernementale). Or rien n'est moins sûr, à gauche comme à droite.

Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser l'article 49.3 de la Constitution, permettant de faire adopter un texte sans vote. Deux voies restent alors envisageables en cas d'échec de l'adoption du budget.

Qu'est-ce que les ordonnances ?

"L’enlisement des débats budgétaires risque de nous mener tout droit vers l’usage des ordonnances, alors que la première partie du PLF ne sera probablement pas votée le 4 novembre", écrit le constitutionnaliste Benjamin Morel sur X. 

En effet, si le Parlement ne s'est pas prononcé le 23 décembre, le gouvernement devrait légiférer par ordonnances.

“Il n’y a pas de précédent en matière budgétaire”, explique le constitutionnaliste Benjamin Morel, interrogé par Brut. 

Leur utilisation dans le cadre du vote du budget est mentionnée à l'article 47 de la Constitution. "Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance", indique l'alinéa 3 de ce dernier. Le délai est même de 50 jours pour le PLFSS.

Si cette voie inédite est empruntée, c’est le projet de loi initial, tel qu’il a été déposé par le gouvernement, qui sera retenu, comme l’a confirmé le ministère des Relations avec le Parlement.

Le recours par ordonnances est donc jugé “peu démocratique” par les parlementaires. Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, a mis en garde contre ce qu’il considère être une "négation du Parlement". “Si ce sont des ordonnances qui font office de pseudo 49.3, la censure sera là", a aussi averti Olivier Faure.

Le budget passé par ordonnances peut valoir jusqu’au 31 décembre 2026, ou peut être une solution temporaire en attendant de voter un autre budget, explique Benjamin Morel.

Et la loi spéciale ?

Une autre option est envisageable en cas de délais respectés mais de rejet du budget : la loi spéciale. Le Parlement devrait la voter avant le 19 décembre pour autoriser l’Etat à percevoir les impôts existants. Les dépenses seraient alors gelées par décret, en attendant le vote d'un réel budget début 2026.

“Une loi spéciale aura un coût sur l’économie et sur les politiques publiques”, averti Benjamin Morel.

Après la censure du gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024, une loi spéciale avait été adoptée dans l'attente de l'adoption du budget de l’État pour 2025.

Une hypothèse rejetée par le Gouvernement. "Il n'y a pas de plan caché", a maintenu à l'Assemblée la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Son cabinet l'assure à l'AFP, l'exécutif souhaite un budget voté "sans ordonnance ni loi spéciale". D'autant que la loi spéciale coûterait 11 milliards d'euros à l'économie, selon Bercy.

Toutefois, ces scénarios -ordonnances ou loi spéciale- séduisent une partie des parlementaires du bloc central, car ils leur permettraient d'éviter de voter des mesures contraires à leurs convictions, comme des hausses d'impôt ou de dépenses.

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