"Les gens privilégient des familles plus petites et la fécondité va probablement baisser", explique à l'AFP le sociologue Milan Bouchet-Valat, co-auteur de l'étude.
L'étude, parue dans la revue Population et Sociétés, analyse les réponses à l'Etude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi 2), conduite en 2024 sur un échantillon représentatif de 12.800 personnes âgées de 18 à 79 ans en France.
L'enquête informe sur "le nombre idéal d'enfants dans une famille" et le nombre d'enfants que les personnes interrogées ont l'intention d'avoir dans leur vie.
Le nombre idéal d'enfants était de 2,3 en moyenne en 2024, contre 2,7 en 1998.
Plus précisément, deux tiers (65%) des 18-49 ans considèrent deux comme le nombre idéal d'enfants dans une famille, contre moins de la moitié (47%) en 1998.
En 1998, la moitié considéraient que la famille idéale avait trois enfants et plus, ils ne sont plus que 29% en 2024.
La norme de la famille à deux enfants reste dominante, mais est de plus en plus considérée "comme un maximum et non plus comme un minimum", selon l'Institut national des études démographiques.
Alors que la chute de la natalité de 7% en 2023 puis 2% en 2024, dans un contexte de population qui vieillit, risque d'aggraver les difficultés de financement de la protection sociale basée sur la solidarité, l'étude laisse augurer d'une baisse à venir de la fécondité.
En 2024, 663.000 bébés ont vu le jour en France, le plus faible nombre de naissances sur un an depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.
Les chercheurs ont constaté un écart entre le nombre d'enfants souhaités et la taille réelle des familles. Les femmes nées en 1980 souhaitaient en 2005 2,5 enfants en moyenne, mais n'en ont eu que 2,1.
Or en 2024, le nombre d'enfants souhaités a nettement reculé chez les jeunes de moins de 30 ans: entre 1,9 et deux enfants.
Conception égalitaire
Issue d'une famille de quatre enfants, Sara, consultante de 36 ans, avait avec son conjoint, d'une fratrie de trois, le projet d'avoir un seul enfant. "On s'est beaucoup posé la question de savoir si on voulait avoir un enfant, ce n'était pas une norme à suivre pour nous", dit-elle à l'AFP.
"On savait que cela allait bouleverser notre quotidien, notre rythme de travail, notre vie de couple. C'est épuisant, cela nous demande beaucoup d'énergie", dit cette mère d'une fille de trois ans, qui se dit "beaucoup aidée par la famille".
La baisse des intentions de fécondité s'observe dans tous les groupes sociaux, quels que soient le milieu, le revenu, le niveau de diplôme ou le sexe, selon l'Ined.
Entre 2014 et 2024, la fécondité en France est passée de 2,0 à 1,6 enfant par femme. Le renouvellement de générations n'est assuré qu'à partir de 2,1 enfants par femme, en l'absence de migrations.
Les chercheurs avancent la piste d'un effet d'une prise en compte plus grande de l'égalité dans le couple.
En 2024, les répondants qui ont une conception égalitaire des rôles des femmes et des hommes dans la société veulent moins avoir des enfants que ceux qui ont des conceptions plus traditionnelles, alors que cette opinion n'avait aucun effet en 2005.
Les hommes plus traditionnels veulent plus d'enfants, "anticipant moins un effet sur leur carrière", que les hommes "égalitaires", "qui réalisent probablement combien un enfant va demander d'investissement parental", précise M. Bouchet-Valat.
Les chercheurs ont aussi examiné les effets des inquiétudes sur l'avenir: 35% des personnes "très inquiètes pour les générations futures" veulent avoir "un enfant ou un enfant de plus", contre 46% des personnes moins inquiètes.
Le ministre des Solidarités Catherine Vautrin, confirme, dans le magazine L'Express, continuer à "travailler" à un "congé de naissance" qu'elle souhaite "porter dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026".
Ce nouveau congé, annoncé par le président Emmanuel Macron en janvier 2024, pourrait être pris "par la mère et le père à la suite l'un de l'autre", avec un "accompagnement financier plus important" que l'actuel congé parental, indemnisé 456 euros par mois.