Affaire d'espionnage au profit de la Chine au Royaume-Uni: ce que l'on sait

Crédit : Benjamin Cremel - Pool/Getty Images
Le chef des services secrets britanniques a alerté jeudi sur la "menace quotidienne" que fait peser la Chine sur le Royaume-Uni, au moment où une affaire d'espionnage au profit de Pékin met le gouvernement travailliste de Keir Starmer sous forte pression. Voici ce que l'on sait sur cette affaire.
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Le contexte

L'affaire éclate alors que les travaillistes, depuis leur arrivée au pouvoir en juillet 2024, s'évertuent à renouer le dialogue avec la Chine, après des années de relations glaciales sous les gouvernements conservateurs.

Elle a suscité jeudi une vive réaction de Pékin, pour qui les accusations d'espionnage au profit de la Chine sont "totalement fabriquées" et menacent de "saper les relations entre les deux pays".

La Chine est le 5e partenaire commercial du Royaume-Uni, selon les derniers chiffres officiels.

Les relations restent cependant marquées par un profond déséquilibre en faveur de Pékin: en 2024, le Royaume-Uni a importé quelque 67 milliards de livres (77 milliards d'euros) de biens chinois, contre 19 milliards de livres (21 milliards d'euros) de biens britanniques importés par la Chine.

Comment l'affaire a-t-elle commencé ?

Christopher Cash, un trentenaire chargé de recherches au Parlement, et Christopher Berry, ancien enseignant en Chine de 32 ans, ont été arrêtés en 2023, accusés d'avoir rassemblé et transmis à Pékin des informations qui pourraient "directement ou indirectement être utiles à un ennemi".

Les deux hommes, qui rejettent les accusations, ont été inculpés en vertu de l'"Official Secrets Act", qui interdit la divulgation de secrets d'Etat ou d'informations pouvant menacer la sécurité nationale.

Mais la procédure judiciaire a été stoppée en septembre, le procureur général Stephen Parkinson estimant que le gouvernement n'avait pas transmis des éléments permettant de prouver que la Chine constituait une menace pour la sécurité nationale britannique. C'était selon le parquet un élément indispensable pour que les poursuites aboutissent.

La polémique

L'abandon des poursuites a déclenché une polémique, l'opposition conservatrice accusant le gouvernement d'avoir fait pression pour que les poursuites soient abandonnées, afin de ménager Pékin et de ne pas compromettre les investissements chinois au Royaume-Uni.

Keir Starmer a souligné que le gouvernement conservateur au pouvoir à l'époque des faits reprochés (entre décembre 2021 et février 2023) n'avait jamais explicitement qualifié la Chine de menace.

Le Premier ministre, qui s'est dit "profondément déçu" par l'abandon des poursuites, a insisté sur le fait que le parquet était indépendant du politique. Il a qualifié "d'allégations calomnieuses" les accusations de l'opposition.

Mais la polémique ne s'éteignant pas, il a fini par autoriser mercredi la publication des éléments transmis par son gouvernement à la justice. Il s'agit de trois dépositions de Matthew Collins, adjoint au conseiller à la sécurité nationale.

Que disent les dépositions ?

Elles montrent clairement que le gouvernement considère la Chine comme une menace, ce qui pourrait déplacer les projecteurs vers le parquet et alimenter les interrogations sur sa décision d'abandonner les poursuites.

Dans la plus récente, qui date d'août 2025, M. Collins écrit en effet que "les services de renseignement chinois mènent des opérations d'espionnage à grande échelle contre le Royaume-Uni (...) afin de nuire aux intérêts et à la sécurité du Royaume-Uni".

Ces opérations "menacent la prospérité économique du Royaume-Uni et la résilience et l'intégrité de nos institutions démocratiques", écrit-il encore, tout en soulignant que le gouvernement britannique veut construire "une relation positive avec la Chine".

Les dépositions de M. Collins révèlent également que les deux hommes à l'origine du scandale étaient accusés d'avoir transmis des informations politiques sensibles à un agent des services chinois pendant environ un an.

Et maintenant ?

L'opposition conservatrice a estimé dans la foulée qu'il ne s'agissait que d'informations "limitées, qui sont loin de ce qui a été demandé" au gouvernement.

"Les dossiers sur la Chine doivent maintenant être publiés en totalité et sans délai", a insisté un porte-parole du parti conservateur.

Côté travailliste, le député Matt Western a annoncé jeudi que la commission parlementaire sur la sécurité nationale, qu'il préside, va ouvrir une enquête "dès que possible" sur l'affaire. Il y a "de nombreuses questions à poser", a-t-il dit.

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