"Le manque de centrales nucléaires et le +boom+ des renouvelables ont mis à terre le réseau électrique", assure en Une mercredi matin le quotidien conservateur ABC. "Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans" ont été "ignorées", regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.
Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition: la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.
Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40% du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20%.
Une évolution résolument défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici 10 ans, mais source de tensions dans le pays, alors que plusieurs rapports ont pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.
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Une énergie "sûre"
Dans son document financier annuel publié fin février, la maison-mère de REE, Redeia, avait ainsi mis en garde contre "la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations".
Cela pourrait "provoquer des coupures de production", qui "pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité" de l'Espagne, avait-elle écrit.
Un message relayé par le gendarme de la concurrence espagnol (CNMC) dans un rapport de janvier. "A certains moments, les tensions du réseau de transport" d'électricité "ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, les dépassant même à certains moments", avait écrit l'organisme.
Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (plus difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire pèsent davantage) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.
Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, la présidente de Redeia et REE, l'ex-députée socialiste Beatriz Corredor, a cependant assuré que la production d'énergies renouvelable était "sûre".
"Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct", a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation.
"Ignorance"
Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en oeuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.
"Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance", a assuré le dirigeant socialiste.
"Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème" durant la panne car "il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables", a insisté le chef du gouvernement.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ainsi ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un "sabotage informatique" susceptible d'être qualifiée de "délit terroriste".
Cette hypothèse est cependant jugée peu crédible par REE. "Au vu des analyses que nous avons pu réaliser" avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), "nous pouvons écarter un incident de cybersécurité", a ainsi assuré le gestionnaire.
D'après REE, l'équivalent de 60% de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12H33 (11H33 GMT), un phénomène qualifié d'"inédit" et "totalement extraordinaire".
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