"Ensemble, nous écrivons l'histoire" : le Vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures italien Matteo Salvini a annoncé mercredi le feu vert définitif de Rome pour la construction du plus long pont suspendu au monde, reliant l'île de Sicile au continent pour 13,5 milliards d'euros.
"Une infrastructure de ce genre représente un accélérateur de développement", a déclaré le ministre, assurant que le projet apportera de la croissance économique et des dizaines de milliers d'emplois à deux régions italiennes pauvres, la Sicile et la Calabre.
Ce feu vert pour la construction du pont qui enjambera le détroit de Messine, financé par l'État, marque une "page historique" après des décennies de planification.
La Première ministre italienne Giorgia Meloni a pour sa part qualifié le projet de "symbole d'ingénierie de portée mondiale", démontrant "la force de volonté et la compétence technique de l'Italie".
Prévu pour 2032
Les travaux devraient débuter "entre septembre et octobre", espère Matteo Salvini.
Avec deux voies ferrées au centre et trois voies de circulation de chaque côté, le pont est conçu avec deux paires de câbles tendus entre deux tours de 400 mètres de haut, avec une portée suspendue de 3.300 mètres, un record mondial.
Prévu pour être achevé d'ici 2032, le gouvernement affirme qu'il s'agit d'une prouesse technique, capable de résister aux vents violents et aux tremblements de terre dans une région située à la jonction de deux plaques tectoniques.
Ce plan a cependant suscité des protestations locales, en raison de son impact environnemental et de son prix, cet argent pouvant être, selon les détracteurs, mieux utilisé ailleurs.
L'infrastructure sera construite sur une zone marine protégée et pourrait causer "un carnage" de "millions d'oiseaux" en perturbant leur routes migratoires, avançait en juin Tommaso Castronovo, président de l'association de défense de l'environnement Legambiente Sicilia.
Nombre d'élus locaux et d'experts redoutent aussi que les mafias locales ne profitent largement de cette manne, le procureur général de Messine ayant mis en garde contre le risque d'infiltration de ces dernières dans la construction du pont, et dont "le pouvoir se cache derrière les ouvrages publics".
"Choix insensé"
"Ne pas construire ce pont pour ces raisons reviendrait à ne jamais réaliser aucun projet dans ces régions", a balayé mercredi Matteo Salvini.
Pour le patron du parti de gauche AVS Nicola Fratoianni, ce pont est "un choix insensé à tous points de vue, (...) une méga-œuvre qui détournera énormément de ressources publiques qui seraient pourtant nécessaires pour répondre aux problèmes et aux urgences de millions d'Italiens".
Certains opposants au projet pensent aussi qu'il ne verra jamais le jour, rappelant la longue histoire des travaux publics annoncés, financés et jamais achevés en Italie.
Le pont lui-même a connu plusieurs faux départs, les premiers plans ayant été élaborés il y a plus de 50 ans.
Eurolink, un consortium dirigé par le groupe italien Webuild, a remporté l'appel d'offres en 2006, mais celui-ci a été annulé après la crise de la dette dans la zone euro. Le consortium reste cependant le contractant du projet relancé.
Cette fois-ci, Rome a une motivation supplémentaire pour aller de l'avant: elle a classé le coût du pont comme une dépense de défense.
L'Italie, criblée de dettes, a accepté, avec d'autres alliés de l'Otan, d'augmenter massivement ses dépenses de défense pour les porter à 5% du PIB, à la demande du président américain Donald Trump.
Sur ce montant, 1,5% peut être consacré à des domaines "liés à la défense", tels que la cybersécurité et les infrastructures, et Rome espère que le pont de Messine sera éligible, d'autant plus que la Sicile abrite une base de l'OTAN.